Dans cette note, publiée par le Département Recherche de l’intermédiaire en bourse MAC SA, nous allons revenir sur les facteurs justifiant la révision à la baisse des perspectives de croissance mondiale pour 2015.
* De fortes variations sur le marché de change, largement expliquées par les divergences de politiques monétaires dans les économies avancées. Les Etats-Unis qui se préparent à quitter la borne zéro et à déclencher un processus de normalisation de leur politique monétaire. Alors que le Japon et la Zone euro s’enfoncent davantage dans les instruments non conventionnels, sous l’effet d’une croissance qui brille par sa fragilité.
* Une forte chute du prix du baril qui alimente les divergences de croissance entre :
- des pays exportateurs encaissant une baisse de leurs recettes les forçant à réduire leurs dépenses budgétaires ;
- et des pays importateurs enregistrant une amélioration de leurs revenus réels, leur permettant d’augmenter leurs dépenses.
* Un net fléchissement de l’inflation, dans plusieurs pays, sous l’effet de la baisse des prix des produits pétroliers.
* Des tensions sécuritaires et géopolitiques qui bloquent la machine des réformes et érodent le niveau de la croissance potentielle. Une telle situation a amené le FMI à réviser ses perspectives de croissance pour 2015, établies en avril 2014.
Aux Etats-Unis, la croissance a été décevante. Le moteur de la croissance mondiale ne s’est pas totalement rétabli. La forte appréciation du dollar et la chute du pétrole (et ses effets négatifs sur le secteur énergétique) continuent de peser sur le rythme de croissance de l’économie américaine.
L’Europe profite des gains de compétitivité générés par la dépréciation de l’euro face au dollar et de la baisse des prix de pétrole. De même, la politique monétaire ultra-souple de la BCE commence à desserrer les contraintes de liquidité qui pèsent sur les entreprises. Le retour à la sagesse dans la gestion de la crise grecque éloigne le spectre du « Grexit ». Un scénario aux conséquences ravageuses aussi bien pour la Grèce que pour la zone euro.
Au Japon, le statu quo monétaire est à l’ordre du jour. Avec une inflation très en deçà de son objectif, le Japon consolide sa position dans l’assouplissement monétaire.
Le Monde émergent subit encore le manque de vigueur de la croissance dans les pays avancés et le durcissement des conditions de financement au niveau international. Plusieurs économies souffrent du retard enregistré dans l’agenda des réformes structurelles.
Etats-Unis : Le « décollage » des taux américains tarde à voir le jour
La question qui taraude les analystes reste la même : les conditions économiques permettraient-elles une remontée des taux ? Du côté de la FED, les adeptes de la normalisation gagnent du terrain. Cinq des 12 Feds régionales avaient réclamé une hausse de 25 pb du taux d’escompte (contre 4 à la fin du mois de mars).
L’activité manufacturière enregistre une mauvaise performance. Le recul des exportations y est pour quelque chose. L’essoufflement de la demande mondiale et la montée du dollar (une appréciation du taux de change effectif réel du dollar de 10.5% entre juin 2014 et juin 2015) expliquent l’essentiel de cette chute. La solidité de la reprise américaine au second semestre dépendra :
- Du retournement du cycle haussier du dollar (amélioration de la compétitivité) et de la remontée du prix du baril (retour de la croissance dans l’industrie du schiste). C’est seulement dans un tel scénario (retour de la croissance et remontée du taux d’inflation) que nous pourrons imaginer l’entrée de la Fed dans un cycle de normalisation monétaire ;
- Et du moral des ménages qui restera très sensible à l’amélioration des perspectives de l’emploi aux Etats-Unis. Les chiffres sur le rythme de créations d’emplois et les demandes d’allocations chômage pèseront sur le niveau de croissance du troisième trimestre de 2015.
Europe : La détermination de la BCE et la sagesse grecque déminent la situation
L’économie de la zone euro a enregistré un net redressement à la fin de l’année 2014, largement expliqué par la baisse des prix du pétrole, le glissement des taux en territoire négatif et les gains de compétitivité générés par la dépréciation de l’euro face au dollar.
La reprise dans la zone euro se confirme, surtout avec la robustesse de la demande intérieure et le retour de l’inflation. Toutefois, la crise politique en Grèce, et ses implications économiques sur l’ensemble de la zone pourraient affecter la solidité de la reprise. Plus récemment, la crise grecque et ses retombées sur l’activité bancaire (fermeture des banques) ont provoqué la montée de l’incertitude quant à sa future place dans la zone euro. Sur le marché des obligations souveraines, les spreads des titres souverains grecs flambent, surtout pour les maturités courtes. De même, un phénomène de flight to quality souffle sur la zone, provoquant la chute des actifs à risque et une ruée vers les titres souverains de première catégorie.
Le sommet du 12 juillet 2015 aura finalement permis à la Grèce de rester dans la zone euro. Le financement officiel est de retour. Avec le prêt relais de sept milliards d’euros, la Grèce pourra rembourser ses obligations venant à échéance. Le relèvement du plafond des prêts d’urgence aux établissements de crédit grecs serait d’un grand secours pour desserrer les contraintes de liquidités. Du côté des autorités grecques, les engagements représentent un grand challenge. Comment retrouver un excédent primaire sans étouffer la croissance et sans réveiller des tensions sociales ?
Lors de sa dernière réunion du 16 juillet 2015, la BCE a souligné l’amélioration de certains indicateurs économiques : une amélioration des agrégats monétaires et des indicateurs de la demande de crédit (surtout des PME des pays périphériques).
Une amélioration générée par les effets positifs des mesures d’assouplissement monétaire (QE en tête). La BCE estime que les risques baissiers qui pèsent sur la croissance sont aujourd’hui contrecarrés par son action monétaire très accommodante et par les niveaux atteints par les prix du pétrole. Sur le dossier grec, la BCE a décidé d’augmenter le plafond de l’ELA (Emerging Liquidity Assistance) de 900 millions d’euros.
La sagesse semble être de retour. Les autorités grecques ainsi que les hauts responsables européens ont compris les conséquences ravageuses de l’hypothèse du « Grexit », une sortie de la Grèce de la zone euro.
Du côté des autorités européennes, c’est surtout le signal d’encouragement aux forces les plus europhobes qui a atténué l’entêtement allemand. Du côté du gouvernement grec, la crainte de l’isolement et surtout de la perte des mécanismes de soutien européen ont forcé les radicaux de s’éclipser du tableau. Le « Grexit » reste plus un saut dans l’inconnu qu’une stratégie de sortie de crise.
Japon : La prudence est de mise
Au Japon, le rythme d’expansion des salaires réels et de la consommation plaident pour plus de prudence. La croissance restera modeste pour l’année 2015. Sur le front monétaire, l’inflation (hors produits frais) risque de sombrer, encore une fois, en territoire négatif. Un tel contexte pousse la BOJ (Banque of Japan) à maintenir le statu quo monétaire. Pour atteindre son objectif d’inflation, la banque centrale japonaise pourrait être amenée à ajouter une nouvelle dose d’assouplissement monétaire.
Chine : Une économie engloutie dans un système financier à la réputation entachée
L’économie chinoise clôture le deuxième trimestre par un effondrement sans précédant. Une chute de plus de 30% des actions chinoises. Une capitalisation boursière de 3200 mds de dollar est partie en fumée, soit plus du quart du PIB chinois. Un coup dur pour la confiance de la Chine dans son système financier. Plusieurs facteurs expliquent l’origine de l’effondrement du marché. La forte valorisation des bourses chinoises (+ 160% entre le 10 janvier 2014 et le 12 juin 2015 pour la bourse de Shanghai) surprend tous les observateurs d’autant plus qu’elle intervient dans un contexte de recul du rythme de croissance (12.7% en moyenne de 2005 à 2007 contre 7% aujourd’hui). En effet, l’appétit pour le placement boursier en Chine, et la flambée des cours qui en résulte, puisent leurs origines dans plusieurs facteurs.
Premièrement, pour échapper aux effets dévastateurs de la bulle immobilière, les autorités chinoises n’ont pas lésiné sur les moyens pour détourner les investisseurs du crédit bancaire et rendre la finance de marché plus attractive.
Deuxièmement, les menaces déflationnistes observées du côté du secteur immobilier et des prix à la production, ont poussé la banque centrale chinoise (PBoC) à opter, depuis décembre 2014, vers des politiques monétaires ultra accommodantes (trois baisses du taux directeur et deux réductions du taux des réserves obligatoires). Ces nouvelles conditions monétaires ont amplifié le recours aux placements boursiers, compte tenu d’un différentiel avantageux entre le taux d’intérêt et le rendement anticipé du placement.
Enfin, l’engouement des particuliers pour la bourse s’est manifesté avec le développement des opérations à fort effet de levier tel que le « trading sur marge ». Une formule très encourageante pour les opérations d’achat de titre à crédit. Ces opérations de « trading sur marge » ont été multipliées par cinq depuis un an (juin 2014/juin 2015) jusqu’à représenter 30% des transactions.
Au total, l’ouverture du compte titre a enregistré des records. Plus de dix millions de comptes-titres furent ouverts, soit l’équivalent des ouvertures de 2012 et 2013 ! Or, comme le marché chinois est un marché de petits porteurs (200 millions de comptes-titres totalisant près de 80% du volume des transactions), les pertes sur le marché boursier vont finir par amputer les anticipations de revenus supplémentaires et du coup, impacter négativement la croissance.
Cet épisode déclenche, encore une fois, le débat sur l’urgence d’une réforme en profondeur du système financier chinois et sur l’intérêt de moderniser les instruments de régulation pour neutraliser le shadow banking et garantir la profondeur du marché financier. Deux objetifs incontournables pour consolider la croissance.
Monde émergent : La baisse du prix du baril creuse l’écart de croissance
Selon le FMI, les économies émergentes et les pays en développement pèsent pour près de 70% de la croissance mondiale. Les perspectives s’avèrent positives du côté de l’Inde qui profite de la baisse du prix du baril. Alors que pour le Brésil et la Russie, la prudence est de mise. Plusieurs facteurs privent le monde émergent de renouer avec une croissance vigoureuse.
Le durcissement des conditions de financement externe (cas de l’Amérique Latine et des pays exportateurs de pétrole), le recul des prix des produits de base, les difficultés de l’économie chinoise et les tensions géostratégiques (Moyen orient, Afrique du Nord, Communauté des Etats membres). Cependant, les perspectives de croissance pour l’année 2016 semblent être meilleures, surtout si la Russie et les pays du Moyen Orient enregistrent une amélioration.
L’économie Sud-Américaine peine à retrouver une croissance solide. La chute des prix des matières premières, conjuguée à des blocages structurels, pèsent sur la production (manufacturière et minière). La montée des tensions inflationnistes risque de pousser la banque centrale à remonter les taux directeurs, ce qui pourrait dégrader davantage les bilans des entreprises publiques. En 2015, le Brésil s’enfonce dans la récession. La reprise reste tributaire de la volonté des autorités de déclencher le processus des réformes.
En Inde, le retard dans les réformes, programmées par Mundo, continue de déclencher une vague de sortie de capitaux. La fragilité des bilans des entreprises pèsent encore sur le secteur bancaire. La situation de l’économie indonésienne est encore préoccupante. Tant que l’avancement dans l’agenda des réformes demeure décevant, et tant que les prix des matières premières sont à un niveau faible, la croissance restera molle et largement en dessous du rythme des cinq dernières années.
En Russie, la forte baisse du prix du pétrole est venue détériorer davantage une croissance largement fragilisée par les tensions géopolitiques. Les effets positifs de la dépréciation du rouble n’ont pas réussi à contrecarrer les pressions récessionistes. Le contrôle de l’inflation a permis à la banque centrale russe d’assouplir sa politique monétaire. Certes, la situation reste encore fragile, mais la situation du secteur bancaire n’est plus inquiétante. Les contraintes de liquidité et le risque de crédit n’est plus à l’ordre du jour.
Dans les pays avancés, l’heure reste encore pour des politiques monétaires accommodantes, tant que l’inflation demeure en dessous de sa cible. En Chine, l’assainissement du secteur financier reste à l’ordre du jour pour consolider la croissance. Dans les autres pays émergents, les réformes fiscales et la consolidation budgétaire s’imposent.
Les pays exportateurs de pétrole, privés d’espace budgétaire, doivent fournir plus d’effort dans ce sens.