« «L’implantation des entreprises tunisiennes en Afrique se limite à ce jour à quelques modestes initiatives privées. Les opérateurs tunisiens ont, depuis les années 60-70, privilégié les marchés traditionnels par l’envoi des Tunisiens travailler chez Mercedès ou Volkswagen en Allemagne, au détriment des marchés africains jusque-là fort négligés. »
C’est ce qu’a fait savoir le directeur général d’Az.Com et organisateur du Salon du bâtiment en Côte d’ivoire «Bativoir », Riyadh Azaiez, qui a été sollicité, mardi, par Express Fm pour parler de la faible représentativité de la Tunisie, de la timide présence tunisienne et de l’absence d’un engagement politique clair pour la conquête du marché africain.
Le choix de M. Riyadh Azaiez n’est pas fortuit. Cet organisateur de salons n’est pas à son premier coup. Avant cette troisième édition de Bativoir, il a déjà organisé une première édition en 2012 puis une seconde en 2014. Aujourd’hui, il appelle les Tunisiens à débarquer en Afrique subsaharienne qu’il connaît déjà bien.
«Assez de temps et d’opportunités perdus ! Aujourd’hui, les opérateurs tunisiens doivent prendre conscience et rattraper leur retard ! », a martelé ce spécialiste du marché africain doté d’un sens inné des affaires.
Revenant sur le concept du Salon Bativoir tuniso-ivoirien, le DG d’Az.Com explique que ce sont des journées de partenariat dédiées au développement de la coopération entre les régions de l’Afrique subsaharienne et l’Afrique du Nord, et particulièrement avec la Tunisie.
« Le concept est simple. C’est un petit salon mais strictement professionnel où la présence du public est peu marquée. Les visiteurs qui viennent sont des professionnels du métier et veulent faire des projets à long terme « , a-t-il précisé.
«60 stands dont 30 dédiés aux Tunisiens. Pour nous le principe est simple, ce salon doit être pour le Tunisien une fenêtre qui s’ouvre sur le marché ivoirien, afin de s’installer, de s’implanter en Côte d’Ivoire de manière durable, car le « one shot » ne rapporte plus rien aujourd’hui. En Afrique, il y a une multitude de modèles de coopération, mais le modèle le plus efficace reste le modèle historique qui a été développé par nos ancêtres de la République de Carthage »
Citant, fièrement, en exemple Hannon le Grand qui, avec une flotte de soixante navires de cinquante rameurs chacun et 30 000 personnes à bord, avait débarqué en Afrique pour y fonder des comptoirs jusqu’au Cameroun.
« Aujourd’hui, dit-il, après 26 siècles la Tunisie se doit de rétablir les comptoirs de Carthage car on ne peut développer le pays qu’en réimplantant justement ces comptoirs ».
« Effectivement, poursuit-il, nous travaillons en étroite liaison avec les autorités ivoiriennes qui nous sollicitent pour saisir toutes les opportunités et les créneaux qui s’offrent sur place. »
« Comme vous le savez, tous les pays d’Afrique subsaharienne sont des marchés où il faut être extrêmement réactifs. On n’est pas dans un modèle de type européen qui consiste en un salon que l’on organise quatre années à l’avance. Nous, en tant que Tunisiens, sommes parmi les pays africains qui, quand une opportunité s’offre à nous, nous nous devons de la saisir, ni plus ni moins », précise-t-il.
Revenant sur les pays qui nous ont devancés dans ce domaine, M. Azaiez a rappelé : « Faut-il encore rappeler que des pays concurrents comme la Turquie et le Maroc ont mis au point, depuis l’aube du XXIe siècle, des stratégies pour conquérir l’Afrique et ont abouti à des résultats spectaculaires. »
« La grande percée des Turcs et des Marocains en Afrique a rapporté 12 milliards de dollars à la Turquie en 2011, et 7 milliards de dollars au Maroc, alors que la Tunisie n’a enregistré que 0,4 milliard de dollars, seulement », a-t-il fait savoir.
Et d’ajouter : « Selon des études onusiennes, le marché africain a importé en 2012 pour 450 milliards de dollars. Bien que le continent noir possède 12% de réserves mondiales en pétrole, 40% de mines d’or, plus de 80% de mines de platine et de chrome et 52% de terres arables du monde avec une population globale de 950 millions de personnes, il reste sous-équipé et, aujourd’hui, il a fortement besoin de toutes sortes de produits et d’infrastructures. Notre pays est petit, avec 11 million d’habitants ; notre marché est exigu, tandis qu’il y a tant d’opportunités qui s’offrent à nous en Afrique. La Tunisie n’a qu’à renforcer sa présence sur le marché africain. »
À cet égard, Riyadh Azaiez suggère donc : « A présent nous balayons, nous ratissons large en tant qu’agence de communication, c’est notre 7ème Salon à Abidjan. Nous avons travaillé en commençant par la thématique « Saydalia » : tout ce qui concerne la santé, ensuite dans le bâtiment, puis les « TIC », après c’était « Le Campus Tunisie » et j’espère que l’année prochaine, en 2016, on attaquera une cinquième : l’Agro-industrie. »
« Maintenant, s’insurge-t-il, trêve de réunions, de conférences et de création de commissions, qui jusque-là se sont avérées inutiles et une pure perte de temps précieux pour la Tunisie qui suffoque, pointant du doigt l’incompétence de la diplomatie économique du pays et son incapacité à disposer d’une stratégie cohérente pour la conquête du marché africain. Il faut se mettre réellement au travail et se battre, la concurrence est de plus en plus rude, parce que le monde entier a « envahi » l’Afrique ! », affirme-t-il.
Et de poursuivre : » L’ère de la politique d’exportation sur l’Afrique est révolue, nos politiques sont un peu en retard, peut-être ils n’ont pas encore compris l’enjeu. Il ne s’agit plus d’ouverture de lignes aériennes et maritimes ou de missions diplomatiques avant de conquérir des marchés africains, mais justement c’est l’inverse qu’il faudra faire : renforcer d’abord la présence des entreprises tunisiennes dans ces pays. »
« Au Moyen- Âge les Tunisiens avaient des comptoirs à Tombouctou, alors qu’il n’avait pas d’avion, mais ils avaient de la volonté, de la patience et de la passion pour l’Afrique . Il faut aussi, insiste-t-il, de la pertinence, il faut choisir les bonnes destinations et surtout nos jeunes ne doivent plus poser des conditions pour s’engager dans les affaires avec les Africains. Car aujourd’hui, la Tunisie est dans une situation très critique et maintenant il est grand temps de se remettre au travail « . En outre, ajoute-t-il, ce qui bloque c’est le fait qu’en Tunisie on perd un temps précieux dans les palabres de la politique politicienne.
Et pour conclure, Riyadh Azaiez, a appelé les Tunisiens à accorder une attention particulière aux marchés africains et à relancer le partenariat avec les pays d’Afrique subsaharienne, à travers la multiplication des implantations des entreprises tunisiennes tous secteurs confondus en Afrique et à créer des « Co-entreprises » en partenariat avec des entreprises africaines, dans le cadre d’échange d’expertises et d’intérêts.