Selon une évaluation du coût financier d’une éventuelle attaque terroriste en Tunisie réalisée par le Centre Tunisien de Veille et d’Intelligence Economique- dont une copie est parvenue à la rédaction de leconomistemaghrebin.com- et au cours de l’année 2015, la guerre contre le terrorisme, une guerre qui aura encore un coût financier et humain, a coûté à la Tunisie 1.8% de son PIB supporté principalement par le secteur privé. La même évaluation s’est également intéressée à l’impact des actes terroristes passés et au coût économique d’un éventuel acte terroriste à moyen et long terme.
Sur les finances publiques, le coût financier peut être estimé par le budget additionnel alloué aux ministères de l’Intérieur et de la Défense qui s’élève à 500 MD soit 0,67 % du PIB. La baisse de 33% de la TVA pour le tourisme se traduit par un manque à gagner annuel de 264,231 MD, d’où un coût de 132,11 MD pour le second semestre de 2015 soit 0.17% du PIB. La mesure liée à l’abrogation des timbres fiscaux de 30 DT aurait coûté à la Tunisie, à partir du 1er juillet 2015, un manque à gagner fiscal de 90 MDT soit 0.12 % du PIB.
Sur le secteur du tourisme, l’année 2015, marquée par deux attentats- Sousse et Bardo– sera probablement plus critique pour les professionnels du tourisme et pour les autorités. Les recettes ont baissé durant le premier semestre de 2015 de 11.44% par rapport à la même période en 2014 (S1 -2014), soit une baisse de 155 MDT, ce qui représente 0.2% du PIB.
S’agissant de l’investissement étranger, les IDE dans les secteurs de l’industrie et des services, sous forme de partenariat ou totalement étrangers ont affiché, durant les sept premiers mois de 2015, par rapport à la même période de 2014, une baisse en termes de nombre de projets créés, d’investissements et d’emplois s’élevant respectivement à 2,87 % ; 7,57 % et 3,07 % d’après l’APII. Ainsi, sur la base d’un salaire mensuel moyen de 700 dinars, une action terroriste coûte 3.3 MDT en termes de manque à gagner salarial pour les employés soit 0,0044 % du PIB.
Pour aller plus loin, le Centre Tunisien de Veille et d’Intelligence Economique a tenté d’estimer les effets à moyen et long terme d’une éventuelle attaque terroriste et le comportement des agents économiques. En effet, les conséquences d’un acte terroriste ne se reflètent pas uniquement à court terme, il y a aussi un effet de « mémoire » qui ne s’estompera qu’avec le temps et sur une période de cinq ans en moyenne (Rapport de l’Institute for Economics & Peace 2014). Ainsi, toutes choses étant égales par ailleurs, la « chasse » au terrorisme coûtera au budget de l’Etat 0.67 % du PIB par an, soit 3.3 % du PIB à l’horizon 2020. Ce coût approximatif ne tient pas compte de la dépréciation du dinar par rapport au dollar et à l’Euro : le remboursement de la dette nous coûtera de plus en plus cher, non seulement en intérêts et principal, mais aussi en charges supplémentaires, dues à l’érosion de la monnaie nationale.
Et d’ajouter qu’à ce coût approximatif, viennent s’ajouter des effets de change liés à la dépréciation du dinar pour la partie des budgets supplémentaires alloués à la lutte contre le terrorisme et l’insécurité des ministères et financés par emprunts externes et non prélevés sur des ressources propres. Le calcul de la part des dotations externes accordées et dépréciées par l’effet de change cumulé moyen du dinar conduit à un coût supplémentaire de l’ordre de 0,63% du PIB.
Le Centre Tunisien de Veille et d’Intelligence Economique a conclu son analyse sur une note pessimiste pour le secteur privé : « En Tunisie, à très court terme, c’est l’Etat qui supporte le fardeau de l’attaque terroriste ; le secteur privé, quant à lui, en supporte aux alentours de 225 MDT, soit 0,3%. Il s’ensuit qu’à moyen et long terme, c’est le secteur privé qui supportera les coûts supplémentaires d’une éventuelle attaque terroriste. Ainsi, la donne s’inverse et la part supportée par le secteur privé passe alors de 0,3% à 1,5%.
Le chiffre de 225 MDT est, en quelque sorte , « l’arbre qui cache la forêt » ; en effet, le secteur privé, dans cette dynamique de montée de l’insécurité, de la violence et de la terreur, sera amené à supporter des coûts supplémentaires suite à l’apparition de nouveaux produits d’assurance ; il sera appelé à supporter des coûts de transformation de la structure de marché suite à l’apparition de nouvelles coalitions et de groupes d’intérêt, à faire face aux revendications sociales, etc. Ces coûts, difficiles à estimer à court terme, pèseront sur la compétitivité du secteur privé et constitueront, pour ceux qui résistent, un coût d’adaptation à la violence ».