L’entrée en grève des transporteurs de marchandises a provoqué un vent de panique dans le pays et une perturbation dans les stations-services : tout le monde veut faire le plein. Une telle situation touche un secteur vital de l’économie tunisienne. L’expérience qu’on a vécue début février 2013 avec deux jours de grève était un vrai signal d’alarme et ça aurait pu être une catastrophe pour tout le pays. Quelles sont les conséquences d’une telle grève?
La grève a été décidée par les employés de sociétés de transport de carburants qui agissent dans le cadre d’un contrat avec les sociétés de distribution pétrolière.
L’effet de ce genre de grève est en effet immédiat sur tous les secteurs de l’économie tunisienne. Une grève de trois jours serait une vraie catastrophe car elle entraînerait la paralysie totale du pays.
Contacté par leconomistemaghrebin.com sur les répercussions économiques de la grève des transporteurs de carburant, l’économiste Ezzeddine Saidane a indiqué qu’il est très difficile de chiffrer le coût de cette grève pour le moment, étant donné que quelques stations-services ont pris leurs précautions et se sont approvisionnées et en raison de l’intervention de la société AGIL qui va assurer le transport du carburant.
Et de préciser : « Il ne s’agit pas uniquement des carburants et des kiosques qui seront touchés, car tout ce qui est transport de marchandises est en grève. Cela met le pays à genoux pendant cette période, car s’il n’y a pas de transport, il n’y a pas d’activités et les usines et les exportations pourraient s’arrêter, ce qui pourrait engendrer des perturbations pour l’économie dans un timing sensible, à savoir trois jours avant l’Aïd, car cela implique par ricochet des problèmes au niveau du transport des gens ».
Il ajoute : « Cela prouve que les Tunisiens n’ont plus de respect pour les Tunisiens, quand on décide des grèves aussi longues dans une période aussi sensible ». Et de s’insurger : « Où va-t-on? »
S’interrogeant sur la capacité de l’économie tunisienne de supporter ce genre de grève, l’économiste a rappelé que notre économie est déjà en situation de récession, c’est-à-dire qu’elle est non créatrice d’emploi. « Et quand on ajoute des grèves de ce genre-là nous allons terminer l’année avec un résultat extrêmement négatif qui peut être plus grave que -1%. Cela veut dire que nous sommes très loin de réussir notre transition économique et par conséquent, nous mettons en danger notre transition politique et démocratique ».
Le secrétaire général de la Confédération Générale Tunisienne du Travail ( CGTT ), Habib Guiza, garde une certaine distance par rapport à la grève des transporteurs de marchandises. En effet, dans une déclaration à leconomistemaghrebin.com, il a souligné que le droit de grève est un droit garanti par le code du travail et par la Constitution cependant : « Il demeure un droit qu’il faut savoir utiliser et les grèves ne doivent pas devenir impopulaires autrement dit frapper des secteurs qui touchent l’intérêt des citoyens ». Et de continuer : « La grève est une forme de militantisme, mais elle n’est pas la seule forme de militantisme, c’est une parmi d’autres » .
Par ailleurs, Habib Guiza a affirmé dans le même sens que si une grève devient impopulaire, ses dégâts seront plus importants que ses bénéfices, chose qu’il recommande d’éviter. « Nous ne soutenons pas cette grève à 100% », ajoute-t-il.
Interpellé sur ses prises de position pour résoudre la crise, Habib Guiza a indiqué que la CGTT n’est pas impliquée dans cette crise : « Le jour où le gouvernement voudra entendre notre point de vue et activera le pluralisme syndical, nous ferons savoir notre position sur la question », conclut-il.
Jusqu’où peut aller la grève du transport des carburants et des marchandises ?
Joint par téléphone, le directeur général adjoint de la Société tunisienne de distribution des pétroles, Habib Mlawah, nous a déclaré que « la grève ne nous concerne pas, nous sommes des consommateurs. Nous louons des camions pour assurer le transport des carburants vers les stations- services, et nous nous trouvons dans la même situation que les consommateurs, en l’occurrence nous sommes aussi des victimes.»
Il poursuit: « J’espère que l’Ugtt et l’Utica trouveront ensemble un arrangement, car ce genre de grève ne devrait pas avoir lieu, et nous ne pouvons pas non plus le supporter. Il s’agit d’une nécessité vitale pour l’économie du pays. »
Et d’ajouter : « Notre rôle consiste à faire de notre mieux, mais nous ne pouvons pas aller plus loin que ça. Nous avons pris les devants pour assurer durant une journée, voire deux jours tout au plus. Par ailleurs, j’invite les Tunisiens à faire preuve de davantage de citoyenneté en évitant de vouloir faire à tout prix le plein, en attendant que les parties intéressées se mettent d’accord pour mettre fin à cette grève. Et je suis persuadé que la grève sera annulée ».
Du côté de la Centrale syndicale, l’UGTT vient d’annoncer sur sa page officielle Facebook, qu’une séance de travail se déroule actuellement au siège du ministère des Affaires sociales entre le ministre du Transport, le ministre de l’Industrie, la Chambre de transport des carburants et un représentant de l’UTICA afin de trouver une solution opportune à la grève.
Notons que la grève des transporteurs de marchandises et de carburants a été annoncée pour une durée de trois jours du 21 au 23 septembre pour cause de non- application de l’accord signé en mai 2014 avec la Chambre syndicale des entreprises de transport.