Depuis environ deux semaines, les consommateurs ont remarqué une pénurie considérable qui a touché les marques de cigarettes locales. Les fumeurs tunisiens ont beau frapper à toutes les portes, mais en vain. Les réponses sont toujours les mêmes : « Plusieurs marques tunisiennes et étrangères manquent et les demandes ne sont pas toutes satisfaites », « Les produits de la contrebande sont disponibles. Et si les marques locales existent, c’est au prix d’une hausse qui varie entre 500 millimes et un dinar pour le paquet de cigarettes».
Cette augmentation ne rime pas avec la déclaration d’Ahmed Njoumi, directeur commercial et marketing adjoint de la RNTA qui, au mois d’août dernier, a nié catégoriquement toute intention d’augmenter les prix des cigarettes! Mais nous le savons tous : un fumeur tunisien ne badine pas avec ses cigarettes. Ainsi la hausse des prix et la pénurie viennent compliquer la situation et ouvrir la voie à d’autres solutions qui ne sont pas les bienvenues.
Cette pénurie laisse, en effet, la porte ouverte aux marques provenant de la contrebande. Le consommateur ne manquera pas de les acheter, tout en évoquant le prétexte de la dégradation du pouvoir d’achat et le fait que les prix de ces marques de tabac sont très abordables par rapport à son budget. Hélas, les consommateurs tunisiens se moquent carrément de leur santé et ne pensent qu’à boucler la fin du mois et à acheter à prix réduit.
Le secteur du tabac et des cigarettes assure près de 40.000 emplois et contribue à 6% au budget de l’Etat
Cependant, l’enjeu est plus grand que le pouvoir d’achat des Tunisiens. Le premier enjeu réside dans le fait que tout produit issu de la contrebande est un mal qui gangrène l’économie nationale qui peine à se relancer, que la contrebande et le terrorisme sont deux monstres qui se nourrissent mutuellement. En Tunisie, le secteur du tabac et des cigarettes assure directement et indirectement près de 40.000 emplois et contribue à 6% au budget de l’Etat, avec plus de 1,2 milliard de dinars de recettes annuelles (chiffres de 2013). Une étude publiée par le ministère des Finances en 2013 a montré que la contrebande de cigarettes a coûté au budget de l’Etat des revenus de l’ordre de 500 millions de dinars.
L’absence du marché de la marque « 20 Mars légères» a banalisé l’intervention de plusieurs intermédiaires (grossistes) dans les circuits de distribution, une concurrence déloyale et une spéculation en matière d’approvisionnement en cette marque, dont le prix de vente aux consommateurs a augmenté d’environ 33% par rapport au prix réel fixé par l’Etat.
Le deuxième enjeu est relatif à l’absence de toute communication de la part du ministère des Finances et de la RNTA pour expliquer cette pénurie. Nous avons consulté le site de la RNTA et nous avons été désagréablement surpris de constater que la dernière actualisation remonte à 2013. Cette absence de communication n’est pas sans alimenter le débat et multiplier les hypothèses relatives à la pénurie. Quant au ministère des Finances, nous avons contacté la cellule de communication mais en vain, elle demeure injoignable et nos questions demeurent sans réponse.
Souhaitons que cet énième épisode de pénurie de produits tunisiens ne soit pas un prélude à un réajustement des prix à la hausse, comme c’est souvent le cas lors du retour à la normale.