Qui dit que vieillir est synonyme de perte d’autonomie ou de dépendance? À tout moment de notre existence, nous arrivons à un stade où chacun de nous est concerné. Ce n’est pas un handicap d’être vieux. Certes, à un moment donné, quand on dépasse un certain âge, physiquement, ne plus être capable de faire certaines choses, ou plus encore ne plus être productif, interpelle. Certains handicaps sont visibles, d’autres ne le sont pas, car dans certains métiers qui ne demandent pas d’efforts, ces handicaps paraissent secondaires.
Sur le plan international, l’Union européenne dans son ensemble est confrontée au vieillissement de sa population. En 2014, le pourcentage de personnes âgées de 65 ans ou plus était de 18,5% dans l’UE et il devrait encore augmenter, pour atteindre près de 30% à l’horizon 2080. Plus précisément, la proportion des personnes âgées de 80 ans ou plus dans la population totale devrait plus que doubler, pour passer d’un peu plus de 5% en 2014 à plus de 12% d’ici 2080.
En Tunisie, selon les dernières statistiques de l’INS de l’année 2014, pour une population de 10 982.800, on compte 11,7% de personnes âgées qui ont plus de 60 ans, contrairement à 2004 où elles n’étaient que 9,3%. Certaines sont exposées au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale. Elles sont confrontées à une situation de privation matérielle sévère et vivent avec de très faibles revenus. Plusieurs personnes âgées sont aujourd’hui incapables de payer un loyer, ou les factures de la STEG et de la SONEDE à temps, de se procurer les aliments et les médicaments nécessaires, ou de prendre des vacances une fois par an… Le moment n’est-il pas venu alors d’améliorer la situation économique et l’inclusion sociale des personnes âgées ?
Nébiha, Hamza, Ali, témoignent de leurs expériences et de leur quotidien
Nébiha, âgée de 68 ans, confie: « Cela fait huit ans que je suis à la retraite. Avant, j’étais employée dans une banque. Mon quotidien à moi, c’est faire le ménage et cuisiner. On pense qu’on n’aurait plus à s’en faire quand on dépasse un certain âge. Pourtant, je passe la majorité de mes journées entre garder mes petits-enfants et cuisiner tous les jours pour qu’ils ne manquent de rien. Quelquefois, je rends visite à ma fille qui habite à Sousse et je reste chez elle trois ou quatre jours. Il en va de même quant à mon entourage, ou le cercle de mes amis, nous subissons toutes la même chose : garder les petits-enfants. On imaginait une fois adulte, qu’on les verrait plus indépendants, autonomes… Mais non, on ne peut pas s’empêcher de continuer à s’inquiéter pour eux. On parle souvent de l’instinct maternel qui est plus fort qu’autre chose; en revanche mon mari ne le vit pas de la même façon, il est plutôt tranquille, il n’a pas cette responsabilité. Et voilà qu’avec les petits-enfants cela prend une autre tournure ». Et de poursuivre : « Personnellement, je suis partie à la retraite à l’âge de 60 ans, car j’ai eu quelques problèmes de santé, un AVC dû au travail, maintenant tout va bien. Maintenant ce qui me plairait bien ce serait de faire une activité sportive qui soit appropriée par rapport à mon âge, une activité où on prend soin des personnes âgées. Mais ce qui me rend heureuse c’est d’observer simplement la mer, rester une heure ou deux, c’est apaisant« .
Il s’appelle Hamza. S, un ancien médecin, qui a plus de 60 ans, pour lui, : »Ma retraite je la vis très bien, dans la mesure où je me suis rendu compte que je ne savais pas grand-chose de la vie, la vie est belle, mais il faut la mériter, il faut prendre son temps à bien observer ». Et de continuer : « Avec 40 ans de médecine, je me suis résigné que certaines théories ne sont pas toutes bonnes à prendre : prenons le cas du rhumatisme, qui est une lésion du cartilage, qui touche un grand nombre de personnes âgées, il faut revoir cette lecture car il peut être soigné par de simples remèdes« . « J’occupe mes journées, en prenant soin de ma petite-fille et je passe mon temps libre à écrire. En ce moment j’écris un livre pour démontrer que la langue française partage les mêmes racines que la langue tunisienne et que les berbéro-punico-arabes et les Français parlent d’une langue qui a ses quatre racines et que notre bi-linguisme n’est pas dû au hasard, mais ceci date des Berbères. Ce que nous avons réalisé comme révolution, ne l’est pas, il s’est agi de juste fermer une boucle du passé, mais nous avons une chance d’en ouvrir une autre aujourd’hui. »
De son côté, Ali, 62 ans, lui travaille encore: « Je travaille encore, je suis huissier-notaire. Pour moi, ce qui est important, c’est non seulement de travailler, mais aussi d’être productif. Je suis originaire de Sidi Bouzid, je suis arrivé à Tunis en 1972, où j’ai obtenu mon baccalauréat, et puis j’ai commencé à travailler après mes études de droit. Ce que je dirais c’est que peu importe l’âge qu’on a, l’essentiel est d’être productif. Pour moi, je bénéficie d’une couverture sociale. Ma devise dans la vie : pour vivre, il faut travailler.”
Pour d’autres, la vie paraît grise, une grande majorité de ces personnes n’a aucun soutien psychologique, physique et encore moins financier. Que font-elles, comment peuvent-elles subvenir à leurs besoins ?
Avec l’âge, une majorité d’entre nous verra un jour ses facultés diminuer, mais profiter de la vie et vivre en harmonie avec soi semble être la clé pour bien vieillir. Il est bien de se le rappeler aujourd’hui, 1 er octobre, Journée mondiale des personnes âgées.