La décision de la chaîne hôtelière espagnole RIU de plier bagages et de quitter le pays est tout sauf une surprise, et même si on s’y attendait, elle est tombée comme un couperet, et au plus mauvais moment, alors que le secteur du tourisme se débat dans des difficultés structurelles sans fin et qu’il ne cesse de s’enfoncer.
Une décision de plus, dans un lot de démarches similaires, qui en dit long et qui renvoie à une réalité implacable : on aura beau s’agiter et se démener comme de beaux diables pour sensibiliser et interpeller les professionnels des marchés traditionnels ainsi que leurs gouvernements quant à la fiabilité de la destination Tunisie, et leur dire que tout va mieux Madame la marquise, rien à faire.
Il est vrai que les différents acteurs politiques ne font pas grand-chose pour renvoyer au monde une image plus apaisée du pays, même si tout ce branle-bas de combat est au final un signe de bonne santé révolutionnaire, comme s’évertuent à le clamer haut et fort les puristes. Complètement dépassée, cette image carte postale d’un pays où il fait bon vivre, même si cette image magnifiée n’est pas tout à fait fausse.
Depuis le funeste attentat de Sousse, les tour-opérateurs déprogramment la Tunisie à tour de bras et tant qu’on ne saura pas arrêter les frais, le secteur continuera à manger son pain noir. Tant qu’on ne comprendra pas enfin que les gouvernements approchés n’ont aucun pouvoir d’influence sur les papes du secteur dans leurs pays respectifs, lesquels agissent en fonction de leurs intérêts et de ceux de leurs clients, on n’aura rien retenu.
Je ne vais tout de même pas rappeler à nos chers professionnels ce principe basique, à savoir que la demande est toujours conditionnée par l’offre. Or, qu’avons-nous à offrir en ce moment à nos potentiels invités, sinon des états d’âme, qui ne mènent nulle part ?
La preuve, ces pays dits amis, qui se font tirer l’oreille pour retirer la Tunisie de la fameuse liste des pays à risques. Je n’ai pas cessé de le dire, tant que la classe politique continuera à faire de la surenchère jusqu’à en abuser, on n’espérera rien de bon, ni pour le tourisme, ni pour le pays dans son ensemble.
Cela est d’autant plus dommageable que les autorités viennent de réaliser un grand coup, en réussissant à démanteler au sein même du ministère de l’Intérieur, un réseau sécuritaire parallèle, tout acquis aux thèses jihadistes takfiristes ; de quoi envoyer un message fort qui dit en substance que le pays est en passe de redevenir une destination sûre et qu’elle attend de la part de ses partenaires beaucoup plus d’engagement.
Pas si simple, quand on révoque un imam extrémiste, et que l’on se ravise par la suite. Pas si simple, quand on voit des acteurs politiques et non des moindres se perdre en conjectures pour prouver leur filiation idéologique avec le grand militant nationaliste Abdelaziz Thâalbi.
Pas si simple, quand c’est Rached Ghannouchi en personne, encore lui, qui allume l’étincelle en provoquant un débat qui est tout, sauf innocent. Pas si simple, quand le comité de défense de Slim Chiboub, gendre de l’ancien président, remue monts et vallées pour libérer un client encombrant, sauf que l’on n’est pas loin de la victimisation ! Quand, en plus, au motif d’un supposé espionnage au profit du général Hafter, la filiale de l’Etat islamique en Libye assassine froidement un citoyen tunisien sans que personne n’y trouve à redire, quand tous les usagers de la route se retrouvent en panne … sèche parce que les distributeurs l’ont décidé, je me dis que c’est beaucoup trop pour un seul et même pays qui n’est pas encore sorti de son auberge espagnole ! Pendant ce temps, ce sont les destinations concurrentes qui en profitent. C’est aussi cela, la règle impitoyable de la concurrence.