Un mercredi 6 février 2013, la Tunisie se réveillait sur un assassinat politique, celui d’une figure de l’opposition Chokri Belaïd. Six mois plus tard, voilà qu’une autre figure de l’opposition tombait : Mohamed Brahmi.
Un grand tournant et des révélations. Tel est l’objet de la conférence de presse organisée aujourd’hui par le comité de défense de Chokri Belaïd, suite aux révélations du journaliste Moez Ben Gharbia qui a annoncé sur sa chaîne sur Youtube, le 4 octobre 2015, qu’il connaît l’identité des assassins entre autres de Chokri Belaïd, Mohamed Brahmi, mais aussi de Tarek Mekki, de Faouzi Ben Mrad, et du lieutenant de la garde nationale Socrate Cherni.
Présent lors de la conférence, le père de Socrate Cherni a déclaré: « Je dis une chose à Moez Ben Gharbia, je me rappelle un certain 23 octobre 2013, à ce moment là, je l’ai contacté pour intervenir dans son émission, il ne m’a pas répondu; et voilà que quelques années plus tard, il dit qu’il a des révélations, moi je lui poserai la question suivante : est-ce que vous étiez complice avec ces personnes qui ont commandité ces crimes? Maintenant, je déclare haut et fort que c’est la Troïka qui est responsable de la mort de mon fils, et plus précisément Ali Laarayedh. J’ajouterais que la justice est hors du coup. Même si je n’ai pas tout révélé, cela concerne l’appareil sécuritaire de l’Etat. Mon fils travaillait dans les renseignements, et notamment je sais qu’ il y a des ambulances qui ont passé la frontière avec des armes à bord. Le jour de son assassinat, il avait sur lui une clé USB qui contenait plusieurs éléments. Les terroristes qui l’ont tué étaient au nombre de trois. L’un d’eux a été blessé, après qu’ils ont abattu mon fils sauvagement. Ils ont marché 14 kilomètres à pied, entre Ben Aoun et Bir Lahfay, sans rencontrer de patrouille et la clé USB n’a pas été retrouvée. Ce que je peux vous dire, c’est que j’ai des éléments concrets concernant la sûreté de l’Etat, que je révélerai au moment opportun. J’attends de voir ce que le gouvernement compte faire concernant le dossier de mon fils. »
Ali Kalthoum, avocat du comité de défense de Chokri Belaïd, a déclaré quant à lui: « Il y a un certain nombre d’agissements et d’attitudes du juge d’instruction chargé du dossier de Chokri Belaïd et je l’accuse directement de complicité, et ce, dans le seul but d’étouffer l’affaire et de gagner du temps. Il ne nous a pas permis de prendre une copie de l’une des pièces maîtresses de ce dossier, prétextant qu’il ne l’avait pas encore : le rapport final de l’équipe sécuritaire. Pour moi, il essaie de camoufler la vérité, en suivant les directives d’un agenda bien déterminé. Et personnellement, j’accuse Ennahdha, d’être le commanditaire de cet agenda. »
Par ailleurs, interrogé sur la position du ministre de la Justice qui ne voudrait pas intervenir pour procéder à une enquête sur ce juge, il a répondu que le ministre a à sa disposition toute une batterie de dispositions légales mais qu’il a sciemment négligé de le faire.
De son côté, Besma Khalfaoui, la veuve de Chokri Belaïd, a déclaré à propos des agissements du juge d’instruction: « Quand on essaie d’étouffer l’affaire, ou quand on essaie de mener l’interrogatoire d’une manière superficielle, ou prétendre qu’il y a des avancées sur l’affaire, alors que c’est faux, cela veut dire qu’il est complice avec l’une des parties au moins ou les deux : Ennahdha et le CPR. En plus, il y a l’information que j’ai eu il y a deux mois selon laquelle Imed Daimi s’est réuni pendant presque une heure avec le juge d’instruction dans son bureau. Quant au ministre de la Justice, il est très défaillant ». Et de poursuivre : « On ne peut réaliser une vraie démocratie, sans savoir qui sont les réels commanditaires. Ce ne sont ni des démocrates, encore moins des patriotes, si on arrive à les connaitre un jour ».
Interrogé sur les révélations de Moez Ben Gharbia, elle a répondu: « J’ai eu un appel du président de la République qui a réitéré son engagement. Et concernant les présumées révélations, ceci n’est pas vrai. c’est une affaire qui ne tient pas debout. »
Et de conclure : « J’appelle à la création d’un comité de toutes les instances politiques : la présidence de la République, la présidence du gouvernement et l’ARP pour qu’il y ait un suivi du dossier, en collaboration avec notre comité de défense pour la recherche de la vérité sur l’assassinat de Chokri Belaïd. »