Les négociations sur l’Accord de libre-échange complet et approfondi ( Aleca ) entre la Tunisie et l’ Union européenne ( UE ), ont été lancées, ce matin par Cecilia Malmström, la commissaire européenne pour le Commerce extérieur et Ridha Lahouel, ministre du Commerce, en présence de Laura Baeza, Ambassadeur – Chef de Délégation de l’UE en Tunisie et des représentants de la presse nationale et internationale.
Dans une déclaration aux médias, Mme Malmström a fait savoir que l’UE veut marquer son soutien aux réformes politiques et économiques de la Tunisie, et ce, via les négociations sur l’Aleca, affirmant que l’objectif de cet accord est d’aller au-delà de la libéralisation des échanges commerciaux et de la suppression des droits de douane, privilégiant une intégration économique plus étroite.
«Ceci devrait, en effet, améliorer les possibilités d’accès au marché, le climat d’investissement, le soutien des réformes économiques et le choix pour les consommateurs», a-t-elle ajouté; soulignant qu’ «une priorité particulière sera accordée aux mesures favorisant les investissements européens, améliorant la gouvernance économique et renforçant l’intégration économique régionale».
Interrogée sur l’annonce de certains experts tunisiens concernant le risque de perdre 40% des entreprises tunisiennes en cas d’application de l’ Aleca, la commissaire européen a précisé qu’ «au contraire, cet accord va ouvrir la possibilité aux entreprises tunisiennes de vendre leurs produits sur le marché européen, mais aussi sur les autres marchés, vu que l’assistance technique de l’UE facilite l’exportation des produits qui seront conformes aux standards internationaux.
«Néanmoins, nous sommes conscients qu’il y aura des contraintes qui exigent un travail en pleine coopération avec le gouvernement tunisien, mais aussi un dialogue constant avec les entreprises tunisiennes et les représentants de la société civile, et ce, afin de bien répondre aux interrogations et de s’assurer que ce partenariat sera conclu en transparence absolue, garantissant plus d’investissement en Tunisie», dixit la responsable.
De son côté, M. Lahouel a indiqué que les négociations sur l’ Aleca seront réalisées par étapes sur plusieurs années, estimant que pendant la période à venir, la Tunisie avancera dans les négociations tant qu’il y aura un partenariat au service du pays et qu’il n ‘y aura pas de contraintes.
Pour ce faire, le ministre a précisé que des études seront réalisées pour que les négociations soient plus approfondies et finissent par la signature de cet accord. «Mais si nous n’avons pas de soutien technique et financier de la part de l’UE pour pouvoir entrer dans les pays de l’UE avec des produits compétitifs, ces négociations échoueront», a-t-il déclaré.
Ridha Lahouel n’a pas manqué, au final, de réclamer que ce partenariat dévoile beaucoup de points communs entre les deux parties, tels que ceux des marchés publics, mais aussi des différends, à savoir le taux préférentiel au profit des Tunisiens désirant s’ouvrir sur le marché européen, ainsi que l’ouverture de l’offre à tout le monde y compris aux pays de l’UE.
A noter que l’objectif des négociations de l’ Aleca est l’intégration progressive de l’économie tunisienne dans le marché unique de l’UE. Cet accord vise à compléter et approfondir la zone de libre échange pour les produits manufacturiers mise en place suite à la signature de l’Accord d’Association signé en 1995.
Des organisations de la société civile ayant institué un groupe de travail autour des droits économiques et sociaux tiennent à rappeler les recommandations adoptées le 6 décembre 2014 et les 11 et 12 et 21 avril 2015.
Les recommandations spécifiques présentées ci-dessous sont le résultat de réflexions menées par l’ensemble des ONGs signataires et sont le fruit des échanges qui ont eu lieu durant 18 mois de travail collectif marqués par plusieurs sessions de débat et de travail, appuyés par des contributions d’experts, ainsi que des missions de plaidoyer auprès des différentes instances de l’UE.
Concernant le Partenariat Privilégié de l’Union européenne avec la Tunisie, les organisations signataires recommandent de :
• Orienter les relations entre la Tunisie et l’UE dans une perspective stratégique qui contribue à relever les principaux défis qui se posent actuellement à la Tunisie, notamment ceux de la maîtrise des technologies, de la sécurité alimentaire, de l’autonomie énergétique et de la gestion de l’eau.
• Orienter l’aide de l’UE vers les besoins identifiés par la Tunisie et non pas subordonner les
stratégies nationales des pays partenaires en fonction des fonds existants. Optimiser les emprunts et les subventions en les adaptant à une stratégie claire de développement durable et inclusif.
• Etudier des solutions pour alléger l’endettement actuel de la Tunisie qui pénalise la transition démocratique en cours: envisager la reconversion de la dette multilatérale en financements directs de grands projets permettant une meilleure intégration régionale et sectorielle;
Concernant l’ALECA entre la Tunisie et l’UE, les organisations signataires appellent l’UE à:
• Placer l’ALECA dans un cadre de coopération équitable tenant compte de la compétitivité inégale entre les économies tunisiennes et européennes ainsi que de la persistance des aides publiques européennes accordées à certains de leurs secteurs stratégiques ;
• Effectuer un bilan du partenariat avec l’UE tel qu’il a été engagé depuis 1995 ;
• Entreprendre, sans délais, des études indépendantes et actualisées d’impact multidimensionnel de l’ALECA en intégrant notamment la dimension des droits économiques et sociaux (disparités régionales, précarité des emplois, sous-traitance, perte d’emplois, protection sociale, pertes des ressources fiscales)
• Renoncer aux conditionnalités susceptibles d’imposer des réformes structurelles et des
politiques d’austérité défavorables aux droits économiques et sociaux des citoyens;
• Prévoir des mécanismes d’exception, pour remédier au caractère asymétrique des relations entre la Tunisie et l’UE ;
• Promouvoir la coopération technique et scientifique dans les domaines des TICs, des énergies
renouvelables et de l’économie sociale et solidaire ;
• Instituer un système d’accès à l’information pour la société civile garantissant la transparence du processus des négociations de l’ALECA ;
• Assortir la liberté de circulation des biens, des services et des capitaux à la libre circulation des
personnes ;
• Développer un cadre institutionnel permettant l’expression et l’implication effective de la société civile aux différentes phases et volets des négociations ;
• S’assurer que des mesures favorisant l’emploi et l’inclusion des femmes dans tous les domaines
économiques soient intégrées dans tout le processus de négociation ;
• Organiser un débat public sur l’ALECA au niveau global et sectoriel.
Enfin, et concernant les fonds spoliés, les organisations signataires appellent l ’ UE à :
• Aider le peuple tunisien à mettre en place et accélérer les procédures pour récupérer les fonds spoliés par l’ancien régime.