« Nous ne sommes pas nés avec le prix Nobel, mais c’est une grande fierté pour moi en tant que femme, en tant que Tunisienne et en tant que membre du Quartet », déclare Wided Bouchamaoui, présidente de l’UTICA, lors d’une interview accordée à Canal Plus dans le cadre de l’émission Le grand Journal, hier 15 octobre à l’occasion de l’obtention du Prix Nobel de la Paix 2015 par le Quartet.
Répondant aux questions de l’animatrice: « Comment le Quartet a pu éviter à la Tunisie de sombrer dans la guerre civile et la dictature? Comment avez-vous pu accomplir ce miracle? », la présidente de l’UTICA a déclaré avec fierté qu’il s’agit du miracle tunisien et que la Tunisie a habitué le monde entier à des exploits inédits. Et de continuer: « La Tunisie a su accomplir sa révolution grâce à sa jeunesse et grâce à une très forte société civile très civilisée ».
Revenant sur les détails de l’accomplissement du Quartet, Wided Bouchamaoui a rappelé le parcours du Dialogue national: « Tout s’est passé lors du deuxième assassinat politique du membre de l’Assemblée nationale constituante, Mohamed Brahmi. C’était vraiment le chaos total dans le pays, surtout que les Tunisiens ne sont pas habitués à la violence et au terrorisme ». Et de continuer: « Il fallait donc que les quatre organisations nationales interviennent et tracent une feuille de route. Nous avons fait un long parcours pour convaincre les uns et les autres de la feuille de route qui consistait à garder l’Assemblée nationale constituante et à dissoudre le gouvernement et son remplacement par un gouvernement neutre ».
La présidente de l’UTICA a insisté sur le fait que le parcours n’a pas été facile et qu’il doit sa réussite aux partis politiques qui ont cru au Quartet et qui ont par la suite signé la feuille de route ; s’ajoute à cela le soutien de la majorité de la population tunisienne.
Wided Bouchamaoui a considéré que l’alliance entre la centrale syndicale et la centrale patronale ne date pas d’hier. « Après tout, il n’existe pas d’entreprise sans ouvriers et d’ouvriers sans entreprise ». Elle ajoute: « Pour nous, ils sont nos partenaires et ils n’ont jamais été nos adversaires (…) Malgré toutes les différences et tous les problèmes, nous avons pu nous asseoir autour de la même table ».
Sur le rôle du Quartet aujourd’hui, la présidente de l’UTICA a indiqué qu’il n’est pas là pour remplacer des institutions légitimes et élues par le peuple. « Nous serons toujours là en cas de besoin, mais le facteur qui nous a poussés à travailler ce sont les jeunes qui étaient dans la rue et réclamaient cette démocratie, donc notre responsabilité aujourd’hui est plus importante et notre devoir est de sauvegarder ces acquis ».
Evoquant le moment pendant lequel elle a appris que le Quartet avait obtenu le Prix Nobel de la Paix, Wided Bouchamaoui a déclaré : « Pour être honnête avec vous, je dirais que je n’étais pas surprise par cette nouvelle, car le modèle tunisien est unique et il fallait faire réussir ce modèle; surtout quand on voit ce qui se passe dans la région. C’est le miracle tunisien et il est dans l’intérêt de tous ».
Répondant à une question relative à son opinion sur l’interdiction du voile intégral en France, le membre du Quartet a déclaré: « Je suis pour la liberté et chacun assume et est responsable de son comportement. Toutefois, il faut respecter la loi. Dans ma famille, j’ai des femmes voilées et d’autres qui ne le sont pas et on se respect et on vit ensemble ». Et de rappeler que l’histoire de la Tunisie a toujours été une histoire de tolérance.
« La relation entre la Tunisie et la France est historique. Ce que nous attendons des Français aujourd’hui c’est qu’ils visitent notre pays (…) Je lance un appel car malgré tout ce qu’on dit, je vis et je sors à tout moment sans aucune contrainte. Et si quelque chose devait arriver, cela pourrait arriver dans n’importe quel coin du monde », conclut-elle.