La réunion de Djerba (17 – 18 octobre 2015) a ébranlé les règles classiques de la politique. Elle a été l’aboutissement d’un processus de remise en cause des instances de direction de Nidaa Tounes, à l’exception du comité fondateur. Fait d’évidence, elle a révélé, sinon confirmé, les fractures au sein de Nidaa Tounes. Les querelles de personnes, à l’appui de parcours individualistes et de « rentes de situation » risquent de saborder l’équilibre d’ensemble.
Le pari des frondeurs repose sur la dynamique d’une minorité, érigée en noyau dur croissant, pour exercer un effet d’entraînement sur la majorité silencieuse. Mais l’opinion publique définit les postulats de la bonne gouvernance, des conditions de l’adhésion populaire et de l’engagement dans le combat politique. Toujours est-il que les membres des instances dirigeantes de Nidaa Tounes sont désormais divisés. Le contexte a permis à certains dirigeants de jouer leurs cartes et de se positionner.
Mais beaucoup d’entre eux évitent de se prononcer. Or, le militantisme exige l’engagement. Il n’y a pas donc dans les partis de place pour les spectateurs. Fait certain, l’implosion paraît exclue dans l’état actuel des choses. Djerba a fait valoir de nouveaux rapports de force. Peut-on parler d’une nouvelle majorité, ou d’une union de conjoncture?
Un sondage d’opinion– fût-il non formel!- montrerait que les militants sont désabusés. Prenons la juste mesure de leur désillusion, suite à l’occultation de leurs attentes et des querelles de chapelle, qui diffèrent l’action politique. Comment compenser, d’autre part, la défection des « intellectuels organiques », qui ont soutenu le mouvement de sursaut que représentait Nidaa Tounes, face à la troïka? Dans ce contexte, les polémistes semblent avoir pris le relais des politiques.
Dans les deux grands partis tunisiens, Nidaa Tounes et Ennahdha, les lignes sont désormais plus floues. Ambiguïtés ou simples nuances, compromis ou compromission, Nidaa Tounes et Ennahdha sont-ils de faux amis ou de faux ennemis? Leur rapprochement peut inquiéter, vu l’opposition de leurs discours fondateurs. Dans les deux cas, on peut parler, en conséquence, de l’émergence de divergences idéologiques internes. Est-ce à dire que la restructuration et la recomposition deviennent inéluctables? Mais l’habilitation citoyenne a tracé des lignes rouges. Personne ne peut traverser le Rubicon. Certes, des dérives éventuelles n’ont pas de grande prise sur l’opinion. Mais elles peuvent entraîner des mouvements de défection. Or, dans cette conjoncture libertaire, l’opposition spontanée est incapable de structurer une offre politique.
La lutte politique devrait concerner les programmes, les visions d’avenir. » L’histoire nous apprend que les identités sont du côté du devenir et non de l’être » (Roger-Pol Droit, Qu’est-ce qui nous unit, Plon, Paris, 2915). Ne faudrait-il pas remettre à l’ordre du jour le dialogue national, pour élaborer une feuille de route, définissant des réformes de consensus, avec tous les acteurs politiques, les partis, les organisations nationales et la société civile, pour faire face aux défis de l’insécurité, de la précarité et du chômage? La dynamisation de l’action politique, au service du peuple répondrait davantage aux attentes et redimensionnerait les querelles qui ne peuvent que freiner le traitement des problèmes de l’heure. Ne perdons pas de vue que la politique est la relation stratégique avec le moment historique.