Ils sont des chefs d’entreprises, universitaires, juristes, anciens ministres et anciens ambassadeurs, chacun à vouloir enrichir le débat sur le projet de loi de la réconciliation économique et financière et apporter une réflexion particulière; et ce, lors du débat organisé samedi 24 octobre par la Fondation Tunisienne pour la vérification et la gouvernance, au siège de l’Institut arabe des chefs d’entreprises ( IACE ).
Sana Ghenima, présidente de l’Association des Femmes et Leaderships a voulu exprimer la position de la société civile concernant ce projet de loi. »Je pense qu’ un grand amalgame est fait entre ce projet de loi et le cadre de la justice transitionnelle, l’un des fondements des droits de l’Homme. En réalité, il y a d’un coté une certaine marginalisation d’une communauté d’affaires composée de personnes accusées- à tort ou à raison- de spoliation des biens publics ou d’avoir obtenu des avantages auxquels elles n’avaient pas droit. Et d’un autre coté, une frange de la société qui considère que ce projet de loi est une forme d’escapade. Ce qui n’est pas le cas. Il va falloir l’expliquer davantage à l’opinion publique. Pour moi, ce projet de loi est une sorte de médicament à effets secondaires », explique-t-elle.
Et de poursuivre: « C’est une opportunité à saisir pour renforcer le développement socio-économique. Ce projet de loi pourrait beaucoup aider le pays à sortir de la récession économique. Seuls le dialogue et la justice pourraient faire face à certains différends ».
Pour l’ancien directeur de l’Observatoire national de jeunesse, Brahim Oueslati, la justice transitionnelle concerne essentiellement la situation des droits de l’Homme depuis 1983 à ce jour. « On parle des emprisonnements, des disparitions, de ce que pense un grand nombre qui juge important de connaître son passé et établir la vérité », dit-il.
En effet, selon M. Oueslati: « On ne peut pas comparer la période de Habib Bourguiba à celle de Ben Ali. Le premier, le Père de la Nation, malgré certains dépassements et violations des droits de l’Homme enregistrés, avait construit un Etat sur des fondements solides, sur des valeurs républicaines, des valeurs sociales, à savoir l’éducation pour tous, la santé pour tous, l’émancipation de la femme, le Code du statut personnel, etc. Le bilan de la justice transitionnelle post-révolution est malheureusement faible. L’Instance vérité et dignité ( IVD ), par l’exemple, n’a absolument rien fait, bien qu’elle ait commencé à faire parler d’elle après la présentation du projet de loi de réconciliation économique et financière.
M. Oueslati considère que la polémique sur le projet de loi relatif à la réconciliation économique est en voie de résolution. Pour lui, il s’agit d’un projet mal présenté parce qu’il fallait dès le départ présenter le projet à l’opinion publique. La position de l’IVD, de certains juristes, des militants des droits de l’Homme, d’hommes politiques, etc. en est la preuve. De l’autre côté, ceux qui ont présenté le projet se sont trouvés dans la position de le défendre. Ce projet pourrait pour autant permettre au pays de freiner la récession.
L’économie tunisienne quatre ans après la Révolution
Intervenant sur ce thème, l’universitaire Chokri Mamoghli a estimé que l’économie tunisienne clôturera l’année 2015 avec taux de croissance entre 0% et -1%. « Cela impactera négativement la création des postes d’emploi. Le taux de chômage pourrait augmenter d’un point sur les six prochains mois. Pour stimuler la croissance, il faut à mon avis baisser le déficit de la balance commerciale et encourager la consommation et l’investissement local et étranger. Il faut aussi améliorer le climat des affaires, à travers notamment le renforcement de la sécurité et la modernisation de l’administration. Je pense que cette loi s’inscrit dans ce cadre là. Elle va assainir l’atmosphère qui règne dans la fonction publique et donnera aux décideurs les moyens de relancer la machine administrative. Cela ne sera pas suffisant, mais c’est un premier pas vers le rétablissement de la confiance entre les opérateurs économiques », explique M. Mamoghli.
La mise en œuvre de la justice transitionnelle est un long processus qui fait face à l’accumulation des difficultés aussi bien économiques que sociales que vit le pays.
Qu’a-t-on réalisé jusqu’ici dans le processus de la justice transitionnelle? Que sait-on? L’attente des Tunisiens est très forte sur ces deux sujets.