Fixant la définition de l’emploi décent, Michel Grégoire, Conseiller technique principal de l’Organisation internationale du Travail ( OIT ), a indiqué à leconomistemaghrebin.com que selon l’OIT, un emploi décent est un emploi qui ne porte pas atteinte à l’intégrité physique et morale, ainsi qu’à la sécurité du travailleur. «De même, l’emploi décent répond à une nécessité de pouvoir disposer de revenu et de sécurité sociale qui puissent satisfaire à son développement ainsi qu’à celui de sa famille proche», précise-t-il.
Revenant sur la situation de l’emploi des jeunes en Tunisie, à partir des résultats principaux de trois études élaborées par l’Organisation internationale du Travail, le spécialiste a indiqué l’existence de plusieurs éléments parmi lesquels l’inadéquation de certaines formes de formation professionnelle avec le marché du travail. «Il y a une refonte importante à faire et une réflexion de façon que les cursus universitaires s’adaptent avec le marché de l’emploi et répondent à la demande de la nouvelle économie tunisienne». Et de continuer : «Il y a là un défi important, si nous voulons créer de nouveaux emplois il faut créer une croissance durable et profitable à tous».
Argumentant ses propos, Michel Grégoire a indiqué que les postes vacants sur le marché tunisien expliquent bel et bien que «nous avons des jeunes formés mais pas aux spécialités demandées par les entreprises, raison pour laquelle il faut réinventer de nouvelles filières académiques de façon à ce que les jeunes sortant de la formation puissent avoir toute la technicité adaptée aux postes demandés par les entreprises tunisiennes». Dans ce sens-là, notre interlocuteur a recommandé «une convergence entre les cadres en charge de l’éducation des jeunes et ceux qui sont en charge du dynamisme de la croissance matérielle dans le pays».
A notre question sur les politiques instaurées pour embaucher les jeunes en Tunisie, après le 14 janvier 2011, Michel Grégoire a considéré qu’il existe une transition politique dont la réussite est indéniable et dont le prochain défi est de réussir la transition économique. «Si la République tunisienne avec son tissu industriel ne gagne pas cette nouvelle bataille de la transition économique, il y aura des inquiétudes possibles quant à l’adéquation entre les jeunes sortant des centres de formation et les emplois qui sont offerts par les entreprises. C’est un défi intéressant qui touche l’ensemble de la société tunisienne ». Par ailleurs, notre interlocuteur a affirmé que l’Organisation internationale du travail accompagnera cette transition économique, notamment en ce qui concerne l’embauche des jeunes.
Donnant des recommandations au niveau de l’emploi des jeunes, Michel Grégoire a recommandé de s’orienter vers la micro-économie décentralisée, c’est-à-dire faire en sorte qu’il y ait des PME productives et durables au niveau des régions et vers le renforcement des compétences. «Renforcer les compétences de manière qu’elles puissent mieux s’adapter aux offres d’emploi dans les régions». La consolidation de l’employabilité découle du renforcement des compétences: «développer l’employabilité des jeunes de façon qu’elle puisse être au service d’une croissance économique qui se redéfinit actuellement en Tunisie et qui répond à de nouveaux critères nationaux et internationaux». Il a ajouté qu’il fallait consolider le dialogue social : c’est «un travail conjoint entre les différents partenaires sociaux afin de développer une économie sociale et solidaire».
A notre question portant sur le rôle de l’économie sociale et solidaire en Tunisie notamment dans la conjoncture actuelle, notre interlocuteur a indiqué que cette économie répond, entre autre, à la déclaration sur la justice mondiale. «Une globalisation mondiale» pour tous publiée récemment par l’OIT et dont la Tunisie a été partie prenante. « Il est important de considérer qu’il n’existe pas d’économie durable s’il n’y a pas d’équité et de solidarité (…) Et cela répond à cette transition politique ». Et de continuer : « L’économie sociale et solidaire répond aujourd’hui à une volonté de vouloir réconcilier l’économie productive d’une coté et une dynamique solidaire de l’autre coté, lorsqu’il y a un dialogue social porteur dynamique, cette économie sociale et solidaire est une réussite au service des jeunes» conclut-t-il.
Michel Grégoire s’est prononcé pour l’adaptation des projets aux spécificités de chaque région: «une dynamique économique ne peut pas être globalisée dans l’ensemble de ses différentes interventions. Il faut qu’elle soit adaptée aux conditions de productivité de chaque région et aux ressources identifiées dans chaque région. Il faut l’adapter aux collectivités locales et aux potentialités locales de façon à ce qu’un tissu économique industriel adapté aux potentialités locales puisse être capable d’offrir aux jeunes des emplois et des formations adaptés à leur domaine de productivité.