Le projet de loi relatif à la réconciliation économique et financière continue de faire des vagues depuis quelques mois.
Quatre ans après le 14 janvier, la Tunisie franchira-t-elle un pas considérable dans l’instauration d’un système démocratique. Comment se positionner? Voilà que la présidente de l’Instance vérité et dignité ( IVD ) et le représentant de la Présidence de la République ont sollicité l’avis de la Commission de Venise ( Commission européenne pour la Démocratie par le droit) pour argumenter de « l’adéquation du projet de loi relatif à la réconciliation économique à la Constitution ».
A ce sujet, la présidence de la République a annoncé en date du lundi 26 octobre que la Commission de Venise- organe consultatif du Conseil de l’Europe- a fait valoir que le projet de loi relatif à la réconciliation économique et financière, est conforme à la Constitution tunisienne. Elle a fait également savoir que « la constitution n’impose pas une forme ou une structure pour mettre en place une justice transitionnelle et n’interdit pas l’instauration d’un système pour le traitement des violations financières et économiques », ajoute le communiqué de la présidence.
Par ailleurs, dans un communiqué rendu public, l’Instance vérité et dignité indique que d’après les conclusions de la Commission de Venise: « Le système de justice transitionnelle «à double voie»- devant l’Instance de la Vérité́ et de la Dignité́ et devant la Commission de Réconciliation- ne pourrait toutefois pas être compatible avec l’article 148 de la Constitution tunisienne ».
En revanche, ajoute le communiqué, un autre conflit serait susceptible de resurgir à propos du projet de loi qui « ne présente pas de garanties suffisantes d’indépendance pour pouvoir considérer que le mécanisme de justice transitionnelle dans le domaine de la corruption financière et le détournement des deniers publics équivalent aux mécanismes existants dans les autres domaines ». La commission juge, en l’occurrence, que la procédure devant la Commission de Réconciliation ne présente pas de garanties suffisantes d’établissement de la vérité ni de publicité ». Elle ne permet pas non plus de réaliser l’un des objectifs de la justice transitionnelle, à savoir la réforme des institutions.
Comme elle précise que sur le plan juridique, l’annulation de l’article 12 du projet de loi relatif à la corruption financière et au détournement de fonds publics mentionnés dans la loi fondamentale, est contraire au principe de la sécurité juridique. Ce qui provoquerait des conflits de compétence intenables avec la Commission de la réconciliation et l’IVD, et ce qui empêcherait entre autres, d’instaurer le processus de transition démocratique.
Toujours sur le plan juridique, si la loi organique n°2013-53 est considérée comme insuffisante pour atteindre les objectifs, notamment dans les domaines économique et financier, une révision de cette loi s’avère donc nécessaire, ce qui relève de la compétence du législateur. Il va de soi qu’un tel projet de loi ne pourrait être élaboré qu’en collaboration avec la société civile et les institutions compétentes en la matière, notamment l’IVD, recommande la Commission de Venise.
En d’autres termes, elle suggère fortement que les représentants de la Présidence de la République devraient proposer des amendements au projet de loi à la lumière des recommandations contenues dans cet avis intérimaire.
Il est à rappeler que la Commission de Venise a été saisie à plusieurs reprises par l’ANC, puis par l’ARP.