Depuis le début de l’année 2015, les agressions contre les journalistes sont devenues de plus en plus fréquentes en Tunisie, où la liberté de la presse qui a été durement conquise après le 14 janvier, est à nouveau menacée.
Plus de 30 agressions ont été signalées à l’encontre des journalistes dont les premiers responsables sont les forces de l’ordre, indique le rapport de Reporters sans frontières.
Aujourd’hui, les journalistes se trouvent pris en tenailles entre la violence des extrémistes et l’hypersensibilité aux critiques des services de sécurité. Tel est l’objet de la conférence de presse organisée aujourd’hui par le « Committee to Protect Journalists ».
Rencontré à cette occasion, Robert Mahoney, Deputy director of Committe to Protect Journalists, a déclaré que, pour lui, les démarches pour protéger les journalistes doivent avoir deux aspects : juridique et sécuritaire.
Il a déclaré: “Tout d’abord dans le cadre juridique, il y a des réformes à mettre en place pou protéger les journalistes. Prenons l’exemple de la mise en application des deux décrets-lois 115 et 116 liés à la liberté de la presse et à la Haute autorité indépendante pour la communication audiovisuelle, c’est une bonne chose à mon avis, parce que cela va renforcer les droits et la protection des journalistes”.
Sur le plan sécuritaire, il a ajouté qu’ “ Il y a un problème de formation des forces de l’ordre qui ne savent pas comment se comporter envers les journalistes dans une situation tendue telle qu’une manifestation. Il faut que les forces de l’ordre répondent de leurs actes et les officiers qui dirigent les opérations, eux-aussi, doivent être jugés”.
“La solution à travers le monde, c’est la solidarité entre les journalistes eux-mêmes. Ils ont su faire face en se réunissant et en demandant que le gouvernement les protège et traduise en justice ceux qui ont commis des crimes. Quand on voit des pays comme la Colombie et le Pakistan qui sont deux pays considérés violents contrairement à la Tunisie, la tâche ici sera moins difficile s’agissant de la liberté de la presse”, a-t-il commenté.
Et de poursuivre: “ La tâche en Tunisie n’est pas aussi difficile, c’est l’une des raisons pour lesquelles je suis ici, c’est que nous avons une chance de parler au gouvernement, de nous engager dans les discussions, tandis que dans d’autres pays arabes comme l’Irak, l’Egypte, la Libye, ils sont en guerre, ici nous ne sommes pas en guerre, vous avez un gouvernement qui a la volonté d’améliorer la situation des journalistes ».
Et d’ajouter : “ J’espère que la Tunisie sera le phare de la liberté de la presse pour le monde arabe. C’est tout à fait possible, parce que vous avez une société civile forte, des institutions performantes, et sans oublier que vous avez survécu à 24 ans de dictature, et ce n’est pas rien. Vous avez une population jeune qui a un regard vers l’extérieur”
Et de conclure: “Je parie de la jeunesse et c’est pour cela qu’il est tellement important que les progrès qui ont été faits pendant les deux dernières années ne soient pas perdus, et que les vieilles pratiques, les institutions formées sous Ben Ali pourraient triompher à nouveau, d’où la vigilance. Vous savez, les libertés se perdent petit à petit, si on ne fait pas attention. Il faut conserver cette liberté et non la perdre”.
Par ailleurs, une rencontre entre les représentants du CPJ et le Chef du gouvernement Habib Essid aura lieu demain, durant laquelle ils suggéreront 8 recommandations parmi lesquelles “ la modification de la législation antiterroriste pour restreindre sa définition à des “crimes terroristes” et au secret défense” et pour faire en sorte qu’elle ne soit pas utilisée contre les journalistes, entre autres.