Quelles réformes devraient être entreprises pour préparer l’agriculture tunisienne à une plus grande ouverture commerciale avec l’UE? Quels impacts aurait cette ouverture commerciale pour les agriculteurs tunisiens? Comment les organisations professionnelles pourraient-elles se positionner dans les négociations à venir avec l’Union européenne?
Ces questionnements ont fait aujourd’hui, en marge du Siamap 2015, l’objet d’un débat sur le nouveau plan d’action entre la Tunisie et l’UE, ainsi que les impacts de l’Accord de libre échange complet et approfondi ( ALECA ).
Ce dernier s’inscrit dans un plan d’action adopté pour la période 2012-2017. Ce même plan est considéré comme une feuille de route ambitieuse qui traduit la volonté de laTunisie de développer des réformes dans le secteur agricole. Ainsi, l’ALECA s’inscrit dans le cadre du 3e et 7e pilier de ce plan. Ces deux piliers visent une libéralisation accrue pour l’amélioration des opportunités d’accès au marché pour les produits agricoles et de la pêche transformés et la modernisation du tout le secteur.
Ouvrant le débat, Youssef Chahed, secrétaire d’Etat à la pêche a indiqué que ce secteur spécifique est encore protégé et que sa libéralisation n’est plus un tabou, mais elle doit être bien réfléchie. « Il y aura certes des perdants et des gagnants », dit-il.
Quant à la position de la Tunisie quant à l’ouverture commerciale de l’agriculture tunisienne, le secrétaire d’Etat a tenu à préciser que l’ALECA devrait avoir un impact positif sur les échanges commerciaux de la Tunisie, mais il faut définir certains paramètres utiles et fondamentaux relatifs à ces négociations tels que l’asymétrie et la disparités entre les deux parties, la progressivité, les listes des produits sensibles à l’ouverture commerciale, les mesures de sauvegarde et la disponibilité des statistiques sur l’activité agricole en Tunisie.
Pour le secrétaire d’Etat, trois phases sont à prendre en considération lors des négociations sur cette ouverture commerciale: il faut finaliser les études sectorielles d’impact qui devraient être globales, apporter des recommandations et nécessairement vulgariser le sujet auprès de l’opinion publique et enfin la dernière phase est liée à la nature de la politique dans laquelle s’inscrit cet accord. « Il s’agit d’un accord entre une démocratie naissante ( Tunisie ) et une vieille démocratie ( Europe ) ». L’U.E doit soutenir l’expérience », a-t-il précisé.
Mettre à niveau l’agriculture tunisienne
A la fois pessimiste et optimiste, le représentant de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche ( UTAP ), Omar El Behi, a indiqué qu’il y a une grande asymétrie entre les deux parties. « L’agriculture est le maillon faible de l’économie tunisienne. L’agriculture est quasi absente du plan quinquennal. Les exploitations agricoles tunisiennes pourraient disparaître parce que la situation ne s’est pas améliorée depuis les années 1990. Il faut mettre à niveau le secteur agricole et des réformes structurelles sont à engager et des arbitrages à faire », a-t-il précisé.
Sur le volet des réformes du secteur, le vice-président de l’UTAP n’a pas manqué de présenter les piliers de ces réformes liées essentiellement aux problèmes fonciers des terres agricoles, à la problématique de la rentabilité économique (revoir la relation agriculteurs /consommateurs), aux aspects liés à l’investissement et au financement des projets agricoles, tels que les taux d’intérêt et les conditions d’octroi des crédits agricoles, ainsi que l’organisation des circuits de distribution à travers la définition du métier de l’agriculteur. «L’ALECA pourrait être une opportunité au niveau de l’agriculture tunisienne. On doit commencer maintenant », a-t-il insisté.
U.E : L’ALECA n’est pas une fin en soi
Michaela Dodini, première secrétaire et chef de la section commerciale, chargée du dossier de l’ALECA à la délégation de l’Union européenne en Tunisie, a indiqué que l’ALECA n’est pas une fin en soi. « On ne vise pas une ouverture réciproque, mais on vise un rapprochement réglementaire sur les priorités de la Tunisie. L’ALECA vise à créer de la valeur ajoutée et stimuler des réformes profondes, à travers des négociations cadrées et des études d’impact réglementaires et sectorielles. Votre réussite est aussi la nôtre », a-t-elle dit.
Et d’ajouter que l’ouverture doit être progressive, parce que l’Union européenne est très consciente de la sensibilité du secteur agricole en Tunisie.
Intervenant au débat, des professionnels et des représentants de la société civile ont montré leur réticence quant à cet accord. Les avis ont convergé vers la nécessité de mettre en place d’abord des programmes pour booster la productivité du secteur et mieux accompagner les agriculteurs.
Le respect mutuel, la transparence, la préparation des études indépendantes avant de décider et l’évaluation de l’accord d’association étaient essentiellement les termes à prendre en considération avant de prendre des décisions quant à cet accord estiment les professionnels qui ont considéré que le secteur est encore loin d’aller dans ce sens.
Aujourd’hui, faute d’infrastructures, de conditions de vie, etc. , en Tunisie, comme dans plusieurs autres pay,s les milieux ruraux sont les deniers lieux où l’on a envie de vivre.
Bref, rien n’est encore décidé. C’est donc une opportunité pour mieux négocier les termes de cet accord et renforcer par plusieurs initiatives et les plans d’action qui cadrent les négociations et visent à étudier l’impact de l’ALECA sur le secteur agricole et rural en Tunisie.
Lancée en 2011 par l’Union européenne, le Programme européen de voisinage pour l’agriculture et le développement rural ( ENPARD ) propose un renforcement du partenariat entre l’UE et les pays de voisinage dans ce domaine.