C’est tout un savoir-faire quand on parle de l’ entrepreneuriat féminin. La plupart d’entre elles travaillent dans l’ombre, et bien d’autres ne cherchent pas une place sous les projecteurs. Comprendre ce qu’est la réalité de ce secteur, est le thème de la manifestation « Femmes chefs d’entreprises mondiales à la hauteur des enjeux et des défis » organisée par la Chambre nationale des femmes chefs d’entreprises ( CNFCE ), sous l’égide de l’UTICA, du 28 au 31 octobre.
Présent lors de ce séminaire, l’Ambassadeur de l’Italie en Tunisie, Raimondo De Cardona a déclaré: « Il est vrai qu’en Italie, avant qu’elles ne deviennent femmes entrepreneures, elles étaient à l’université, où elles ont obtenu des diplômes, en décrochant les meilleures notes. C’est à partir de là qu’on comprend mieux leur réussite. Mais sur le plan politique, c’est autre chose, il est clair qu’on ne voit pas beaucoup de femmes dans les postes de décision. En effet, leur nombre est plutôt faible, mais en politique tout est imprévisible. Si je prends l’exemple de l’Italie, nous avons, en ce moment, plus de femmes ministres que dans le passé, leur présence est importante. Avec elles, on a plus de visibilité quand on évoque des sujets brûlants, comme le programme des réformes, ce que nous sommes en train de discuter au Parlement ». Et de poursuivre: « Cela dit en Tunisie, au Parlement tunisien, on voit bien plus de femmes, la proportion des femmes est plus élevée qu’au parlement italien, preuve que vous avez démontré au monde entier que vous êtes très en avance dans ce domaine. »
De son côté, le ministre de la Formation professionnelle et l’Emploi, Zied Laadheri, a déclaré: « Le choix de ce thème et le choix de la Tunisie pour l’accueillir est une bonne initiative, il est d’un grand intérêt pour la Tunisie terre d’accueil depuis toujours. »
Et de poursuivre: « Ce sont des enjeux culturels qui, pour des raisons parfois sociales, font que les femmes ne se dirigeraient pas vers ce type d’activités, privilégiant plutôt le salariat au monde de l’ entrepreneuriat. Au niveau des mentalités, il faut sensibiliser, il faut promouvoir l’ entrepreneuriat féminin. »
Interrogé sur la manière de faire baisser le taux de chômage, il a répondu: « Il faut conquérir des domaines où nous n’avons pas encore atteint notre niveau optimal comme celui de l’artisanat, qui est l’un des domaines de l’économie sociale solidaire. Notre intérêt doit se concentrer sur les nouveaux concepts à fort potentiels essentiellement pour les demandeurs d’emplois dans les régions les plus défavorisées. »
Les femmes tunisiennes sont perçues comme le premier levier dans le développement, c’est ce qu’a affirmé la présidente de l’UTICA, Wided Bouchamaoui, précisant: « La femme tunisienne est présente dans tous les secteurs, mais sa présence dans le monde de l’ entrepreneuriat reste minime, car le cadre législatif n’est peut-être pas très encourageant non seulement pour les femmes, mais aussi pour les hommes. Il faut aussi que les femmes soient plus courageuses pour se lancer dans le monde de l’entrepreneuriat. »
Et d’ajouter : « Il est clair que le secteur de l’artisanat a été très touché après les évènements tragiques des deux attentats terroristes. D’où l’urgence aujourd’hui de promouvoir ce secteur, et de soutenir la femme artiste, artisane, pas seulement dans l’artisanat, mais dans d’autres secteurs également. Et surtout il faut préserver notre patrimoine, qui est d’une grande richesse. C’est pourquoi pour exporter nos produits tunisiens, il faut changer et sortir de cette forme classique et s’adapter aux marchés internationaux et faire beaucoup de promotion et de marketing à l’échelle internationale. »
Dans de nombreux pays, l’ entrepreneuriat féminin connaît un essor considérable. En France, par exemple, la vice-présidente de l’Association des Femmes chefs d’entreprises du Medef, Marie Christine Oghly, présentant les défis majeurs datant de décennies, souligne: « On les connaît effectivement, l’association des femmes chefs d’entreprise existe en France depuis 1945, et notre but est de promouvoir la place des femmes dans le monde économique. Aujourd’hui, dans tous les pays, y compris la France, nous n’avons pas encore toute notre place. » Par exemple au Medef, les femmes sont vice-présidentes, les hommes sont présidents, mais il y a encore beaucoup de choses à faire pour que les femmes puissent s’imposer dans le monde économique.
Et d’ajouter: « En France, nous avons mis un système de quotas pour les femmes représentées dans les conseils d’administration, malheureusement nous étions obligés de passer par là, sinon je dirai d’une manière spontanée, ce n’est pas parce que les hommes ne veulent pas de femmes au postes de direction, c’est parce que les vieux pouvoirs veulent conserver le pouvoir. Donc, à nous de faire notre place, en essayant de passer à côté des hommes. »
Pour elle, l’exemple type qui est à la fois le meilleur challenge est celui de la présidente de l’UTICA, qui fait partie du Quartet du Prix Nobel de la Paix. « C’est extraordinaire, il y a très peu de femmes qui arrivent à ce niveau, vous êtes exemplaires, mais ça reste un challenge », a-t-elle dit.
Et de conclure: « Je crois que quoi que l’on fasse, on va continuer pendant des décennies à se battre. »