Quel spectacle que celui offert par le parti Nidaa Tounes ! Piteux à voir pour une formation élue pourtant pour gouverner et qui, par les effets d’un jeu d’alliance contre nature, se trouve dans l’incapacité d’assumer comme il se doit le mandat que lui ont confié les électeurs qui l’ont porté au pouvoir. Piteux à voir pour un parti qui prône la réconciliation à l’échelle nationale et qui est incapable de tenir ses troupes et de conserver un semblant de cohésion et d’harmonie.
Piteux à voir, cette impitoyable guerre de tranchées entre membres d’un même camp. Piteux à voir, cette bataille rangée pour un héritage. Pour ma part, et pour faire court, je conseillerais vivement à tout ce beau monde, de regarder du côté de ce qui vient de se passer au Canada, où un jeune homme de quarante-trois ans, fils de son père, un certain Pierre-Elliot Trudeau, ancien Premier ministre, s’apprête à prendre les rênes du pouvoir dans son pays, après avoir mené à la victoire, aux dernières législatives, son parti, le parti libéral, sans que personne dans son camp n’y trouve à redire. Seule la confiance a primé, le talent a fait le reste.
Pourtant, nous sommes bien au Canada, pays démocratique par excellence, et le parti libéral qui vient de faire mordre la poussière à son ennemi de toujours, le parti conservateur, ne s’est pas posé la question de savoir si le fils pouvait relever le défi ou pas, s’il avait les aptitudes ou pas, tellement c’était évident pour ses dirigeants. En faisant l’économie de la guerre des chefs et des clans, les libéraux canadiens ont su réunir les conditions du succès. Ils savourent aujourd’hui le prix de leur unité. Après son triomphe, leur jeune poulain a tenu un discours qui devrait inspirer plus d’un dans ce pays, jugez-en : « Nous avons battu la peur avec l’espérance, le cynisme avec le travail ».
« Nous avons vaincu la politique divisée et négative avec une vision qui a rassemblé tous les habitants de ce pays ». Retenez bien son nom, on va entendre beaucoup parler de lui, il s’appelle Justin et il a de qui tenir. Cela dit, n’est pas le parti libéral canadien qui veut et Hafedh Caïd Essebsi, lui aussi fils de son père, n’est pas Justin Trudeau. Si le premier rêve encore d’un destin national, le second vient d’en avoir un. Si l’un, sans qu’il le veuille vraiment, risque de faire le jeu des diviseurs zélés, l’autre vient de prouver avec éclat qu’il pouvait être le rassembleur tant attendu.
Du côté des Berges du Lac, siège du parti Nidaa, on commence en tout cas à prendre la mesure du danger que représente cette foire d’empoigne au sujet de la légitimité du fils du fondateur, alors que son principal allié au gouvernement, via une polémique orchestrée par ses soins, vient de ramener le pays au plus fort des querelles idéologiques qui ont failli couper la société en deux et ce, en attisant les feux de la haine et de la discorde sur la question de la mise à l’écart des imams radicaux dont chacun sait par qui ils ont été nommés.
Il est clair que du côté de Montplaisir, la récidive est en passe de devenir un jeu qui, si on n’y prête guère attention, peut devenir mortel. Je crois qu’il va falloir délimiter une bonne fois pour toutes les responsabilités et prendre enfin des décisions courageuses. Cela dit, nous venons de fêter l’année de l’Hégire à un moment crucial de l’histoire de ce pays. Gageons qu’elle ne sera pas une répétition aggravée de celles qui l’ont précédée.