Un budget de 29 000 MD, en légère augmentation par rapport à l’année dernière. Trois moteurs de croissance, à savoir, la consommation, l’investissement et l’exportation. Modernisation de la douane, réforme fiscale et du système financier et une banque pour les régions. Un taux de croissance de 2,5%. L’objectif principal étant de sortir le plus rapidement possible l’économie du pays de la stagnation dans laquelle elle se débat. Slim Chaker, le ministre des Finances, dissèque la loi de finances 2016 et clarifie sa démarche. Voici des extrait de l’interview publiée par notre magazine L’Economiste Maghrébin disponible actuellement dans les kiosques…
L’Economiste Maghrébin : Qu’a apporté concrètement la loi de finances 2016 ?
Slim Chaker : La loi de finances 2016 (LF) est le deuxième épisode d’un feuilleton qui a commencé, il y a quelques semaines, lorsque la loi de finances complémentaire n’avait pas apporté suffisamment pour l’opinion publique, mais pas pour le gouvernement qui a fait son travail dans les règles de l’art. Donc, tout le monde attendait cette LF 2016, qui vise deux objectifs majeurs. Aujourd’hui, nous stagnons, pour ne pas dire autre chose, et notre but est de sortir le plus rapidement possible de cette situation. Vous avez vu, comme moi, la déclaration du FMI, qui affirme que nous pouvons créer 60 000 emplois et faire 3% de croissance en 2016. Pour notre part, nous tablons sur 2,5% de croissance, et c’est le premier objectif. Comment ? Nous allons y revenir (plusieurs personnes d’ailleurs ont remis en cause ce taux de croissance).
Le deuxième objectif consiste à faire face à la fuite fiscale, à la contrebande, au commerce parallèle et d’une manière générale, à cette économie parallèle à l’économie réglementée. Donc, notre but est de relancer l’économie et de permettre aux acteurs de cette relance de travailler dans les meilleures conditions possibles. Ce sont donc des personnes qui parient sur l’économie, sur un Etat de droit, sur la Tunisie et qui se trouvent face à des contrebandiers, des gens qui ne payent leurs impôts, qui ne reculent devant rien pour traficoter la TVA pour être plus compétitif…Il s’agit donc de combattre cette iniquité, de remédier à tout cela pour qu’il y ait une véritable structure économique, pour que la chose économique ait un sens. Il ne faut pas que cela devienne « un souk », où chacun fait ce qui lui plait.
Le fait d’élargir l’assiette fiscale vous permet de réduire la pression…
Absolument, aujourd’hui nous sommes à un taux de pression fiscale de 21,9%. Aux Etats-Unis, il est de 18%. 4% de pression fiscale en moins donne à peu près 4 MD. Il faut aller les chercher chez les gens qui ne payent pas et /ou du côté de l’informel. C’est donc là où il faut aller les chercher pour améliorer la situation sinon on continue à ponctionner toujours les mêmes et un jour ou l’autre vous allez casser la corde.
comment allez -vous les combler ?
Nous avons un déficit budgétaire de 3,9%, contre 6,3 % en 2013 ; déficit que nous allons combler de plusieurs façons. En premier lieu, nous avons réduit au maximum les dépenses de l’Etat, en procédant à des coupes sombres, mais intelligentes, c’est-à-dire que nous avons coupé les dépenses qui n’ont pas de contreparties. Ce déficit de 3,9 % est proche du taux psychologique de 3%, ce qui est bon pour l’image du pays. La deuxième façon de faire des économies est d’augmenter les recettes, en allant chercher ceux qui ne payent pas d’impôts. La troisième façon est le recours, malheureusement, à l’endettement extérieur, mais nous allons essayer de faire de telle sorte que l’on ne paye pas plein pot. Nous irons là où il faut.
Avant de nous tourner vers le marché financier international, nous irons voir du côté des organismes internationaux pour des programmes de coopération, de façon à avoir des taux d’intérêt préférentiels. Et même si nous sortons sur le marché et que nous n’arrivons pas à lever des fonds, ce sera positif car cela montrera que la Tunisie est un risque acceptable par la communauté internationale, ce qui poussera peut-être les investisseurs à venir et les agences de rating à améliorer notre note souveraine. Il va falloir aussi comprendre, une fois pour toutes, qu’aller sur le marché financier international est quelque chose de normal. C’est le moyen normalement utilisé pour financer les budgets, à partir du moment où l’argent est utilisé pour financer le développement et l’investissement. Notre but est que l’argent prélevé comme endettement aille financer les 5 800 MD d’investissement public. En revanche, ce que nous allons récupérer comme recettes propres va financer les salaires et autres dépenses.
Justement, la masse salariale pèse lourd sur le budget …
C’est peut-être le chantier de demain. Mais en même temps, si vous invitez les investisseurs du monde à venir en mars prochain en Tunisie et qu’au même moment, une toute petite grève, surtout visible, est décrétée, il n’y aura plus aucune possibilité d’attirer les IDE. C’est pourquoi, la paix sociale est nécessaire.
Il y a aussi les confiscations qui peuvent aider à combler les déficits ?
Les confiscations, nous y travaillons jour et nuit. A mon arrivée au ministère, la situation que j’ai trouvée n’était pas normale, c’est-à-dire que ça n’avançait pas. J’ai changé les équipes, fixé des objectifs ; maintenant, ça redémarre. Après avoir lancé un grand nombre d’appels d’offres, nous avons reçu des offres pour l’achat des terrains pour une valeur de 50 MD, ce qui est déjà une performance. Nous sommes en train de vendre des voitures et cela nous a rapporté jusqu’à l’heure 1 MD. Les voitures de luxe, invendables en Tunisie, seront mises à la vente à l’international avec des commissaires priseurs. Donc, nous essayons d’avancer. Les six premiers mois ont été consacrés à l’organisation et à la remise en état des dossiers et aujourd’hui, la commission chargée de la question avance et prend des décisions. Les premiers résultats sont là.