Censé être la nouvelle Constitution de l’entreprise, le nouveau projet du Code de l’investissement commence déjà à faire couler beaucoup d’encre. Pour certains, il semble moins bon que l’ancien code et surtout il pèche par l’absence d’idées véritablement novatrices pour relancer l’économie à travers l’encouragement de l’investissement.
L’Utica, qui escomptait avoir un code à la hauteur des attentes des investisseurs, se bat aujourd’hui pour apporter des améliorations à ce projet. Elle a lancé le débat sur ce nouveau projet, et ce, pour présenter ses critiques et ses propositions d’amélioration. En effet, Hichem Elloumi, vice-président de la Centrale patronale tunisienne, a précisé à l’ouverture du workshop, que le nouveau code manque de visibilité, ne précise pas les secteurs prioritaires et sa lecture n’est pas des plus aisées.
Diagnostiquant les principales lacunes de ce projet, Nafâa Ennaifer, président de la commission des affaires économiques à la Centrale patronale, est parti de deux constats relatifs au trop grand nombre de textes qui ont rendu le projet complexe et sujet à des améliorations pour le rendre plus lisible et faciliter l’application de ses différents articles.
Cependant, malgré les améliorations apportées, le projet du nouveau Code de l’investissement contient encore des lacunes très sérieuses. Pour le représentant de l’Utica, de nombreux handicaps existent par rapport aux principaux concurrents de la Tunisie en matière d’attraction d’investissements étrangers. « Le nouveau Code de l’investissement devrait lever les restrictions liées à l’accès aux marchés et remédier aux défaillances de taille du cadre législatif. Nous voulons un code avec moins de décrets et des avantages financiers équivalents sinon supérieurs à ceux des pays concurrents tels que le Maroc et les pays de l’Europe de l’Est», a-t-il précisé.
Le site Tunisie souffre de handicaps majeurs surtout quand il s’agit d’attirer des investisseurs vers les régions intérieures. C’est pourquoi, l’Utica considère que les avantages doivent être particulièrement motivants dans ce sens.
Le nouveau projet du Code de l’investissement vise à créer plus de valeur ajoutée, de nouveaux postes d’emploi, servir le développement régional intégré et le développement durable. Toutefois, l’Utica estime que ce projet devrait aussi encourager et booster les exportations tunisiennes, un des moteurs de la croissance.
M. Naifer n’a pas manqué d’énumérer les incitations du nouveau code. Pour lui, il y a des améliorations à faire parce qu’il y a des lacunes de taille qui rendent l’octroi des incitations aux investisseurs aléatoire. Les principales critiques de l’Utica sur les incitations du nouveau code sont liées aux primes et aux nouvelles instances (Conseil supérieur de l’investissement, le fonds tunisien de l’investissement et l’instance tunisienne de l‘investissement).
« Sur quelle base va-t-on octroyer les primes ? », s’est interrogé le représentant de l’Utica qui a appelé à octroyer les primes de manière automatique parce que l’octroi des primes dans le nouveau Code de l’investissement est soumis à des accords préalables des autorités. «Les primes à l’emploi n’ont pas été déterminées et précisées. La prime de développement régional est inférieure à celle accordée par l’ancien code. Il faut plus de clarté et moins d’arbitraire. Aucune incitation n’est prévue pour les investissements dans les activités exportatrices », explique le président des affaires économiques de l’Utica.
Et d’ajouter que le nouveau code ne prévoit ni une reconduction du dégrèvement financier à la souscription du capital, ni une reconduction de la prise en charge par l’Etat des cotisations patronales au régime de sécurité sociale pour les projets de développement régional et encore moins une reconduction de manière explicite et claire des mécanismes de financement de la création de projets par le biais du Foprodi et du Fonapra.
S’agissant de la gouvernance de l’investissement, M. Ennaifer a indiqué que le Conseil supérieur de l’investissement devrait impérativement comprendre des représentants du secteur privé (Utica, Utap, tourisme…). L’Instance nationale de l’investissement, l’interlocuteur unique des investisseurs, ne doit pas, selon M. Ennaifer remplacer les structures existantes. « Cette instance doit assurer plus d’efficacité parce que son schéma de fonctionnement actuel est périlleux », a-t-il dit. Pour le Fonds national de l’investissement, M. Ennaifer considère que son schéma de fonctionnement ne tient pas compte du déroulement réel de l’investissement.
Et bien qu’il s’agisse d’un pas vers l’incitation des investisseurs à investir en Tunisie, le nouveau Code de l’investissement a été aussi la cible de plusieurs intervenants au débat. Le président du bloc parlementaire de Nidaa Tounes, Fadhel Omrane, estime que ce projet n’accorde d’ importance ni à la formation, ni à l’accompagnement des jeunes promoteurs. « Il y a absence d’intérêt à la pérennité de l’entreprise et les compétences ont été éloignées dans l’élaboration de ce Code », a-t-il dit.
Avis partagé avec l’économiste Ezzedine Saïdane qui n’a pas manqué de faire remarquer que dans ce projet tout est soumis à des autorisations préalables. Pour lui, c’est un projet sans perspectives et qui est valable seulement pour une année. Quant à l’expert Ali Fezzani, il a souligné que ce projet ne tient compte ni de la décentralisation ni de la fiscalité.
Pour l’ancien ministre des Finances, Hakim Ben Hammouda, il fallait penser tout d’abord à une charte de l’investissement avec un cadre réglementaire souple et efficace. « Il faut un consensus sur les grandes orientations », a-t-il conclu son intervention.