Trahison est bien le mot par lequel on peut qualifier les agissements du gouvernement, de son administration, de tous les Partis de Droite et de Gauche et de certaines associations de la société civile soutenus ou soutenant des groupes de pression concernant les prochaines élections locales et régionales. Est-ce que cela veut dire que les autres élections post 14/01/2011 ne l’étaient pas ? Non ! Mais comme le dit le proverbe américain: « La trahison ne réussit jamais, car, lorsqu’elle réussit, on lui donne un autre nom ». Les autres élections post 14 janvier 2011 n’ont fait que flatter un peuple comme on flatte un jeune circoncis en lui affirmant « tu es devenu un homme parmi les hommes », on avait flatté un peuple qui se retrouve cette année prix Nobel de la Paix.
Aujourd’hui, le citoyen sait que nos élections telles qu’elles sont n’effacent pas les problèmes, mais au contraire en créent et ceci à cause d’une bien ingénieuse débrouille, la proportionnelle au plus fort reste. Une adresse qui, si elle ne nous fait pas élire des loubards, nous assurera d’avoir grâce à elle des incompétents.
La proportionnelle au plus fort reste, a par contre ses défenseurs qui nous avancent certains avantages de ce mode de scrutin, comme une meilleure représentativité… une représentativité de quoi ? Des couleurs politiques, donc des partis.
Mais si nous ne sommes pas d’accord avec cet argument, il ne nous est pas permis de traiter le camp adverse de traitre. Sauf qu’aujourd’hui, nous avons une constitution, nous avons non seulement un texte qui nous réunit mais un supra-texte qui nous définit. Une constitution est avant tout ce qui donne une consistance, un corps, donc trahir ce corps c’est trahir la République.
L’association « Architectes…Citoyens » constate que la Constitution de la deuxième République a été trahie dans son chapitre VII consacré au pouvoir local, notamment son article 131 [Le pouvoir local est fondé sur la décentralisation.
La décentralisation est concrétisée par des collectivités locales comprenant des municipalités, des régions et des districts qui couvrent l’ensemble du territoire de la République conformément à un découpage déterminé par la loi.
D’autres catégories spécifiques de collectivités locales peuvent être créées par la loi.] et l’article 139 [Les collectivités locales adoptent les mécanismes de la démocratie participative et les principes de la gouvernance ouverte afin de garantir la plus large participation des citoyens et de la société civile à la préparation de projets de développement et d’aménagement du territoire et le suivi de leur exécution, conformément à la loi.]
Aujourd’hui, il est peut-être temps de se mettre d’accord sur la notion même de ce qu’est la démocratie participative.
Les élections pour un citoyen ne peuvent être qu’un moyen pour réaliser un meilleur cadre de vie et surtout améliorer ses conditions financières et environnementales.
La priorité aujourd’hui d’un pouvoir central, régional ou local est de combattre la pauvreté et non d’atteindre le Pouvoir en soi.
Des institutions comme la PNUD et la Banque Mondiale évoquent trois domaines à analyser pour saisir les causes de la pauvreté : 1) «Le manque de revenus et d’actifs pour réaliser des besoins de base – l’alimentation, le logement, l’habillement, et des niveaux acceptables de santé et d’éducation» ; 2) «La sensation d’être sans parole et sans pouvoir dans les institutions de l’Etat et de la société» ; 3) «La vulnérabilité aux chocs défavorables, liée à l’inaptitude de pouvoir les gérer ou d’y faire face».
Sous cet angle, nous remarquons l’importance que prennent les institutions du pouvoir de proximité. En effet, l’alimentation, le logement, l’habillement, et les niveaux acceptables de santé et d’éducation sont l’affaire du développement qui dorénavant est à la charge du pouvoir régional et local. La sensation d’être sans parole et sans pouvoir, dans les institutions de l’État et de la société, ne peut se résoudre que par une démocratie participative. Reste cette sensation de vulnérabilité; elle est plus un aspect social qu’économique tant que cette fragilité est issue d’un cadre social frêle.
Ce que nous synthétisons aussi, de ce qui précède, est que la démocratie se décline dans trois sphères ou champs : une démocratie politique, une démocratie économique et une démocratie sociale et aucune ne va sans l’autre.
Et la démocratie participative dans tout cela ? C’est le contraire de ce que semble croire nos politiciens, un moyen de réduire les contestations au niveau des sphères politiques, économiques et sociales.
Plusieurs enjeux inciteront une collectivité territoriale à faire de la participation : « Bien gérer, c’est gérer avec ». La participation permet d’ajuster les politiques publiques pour être au plus près des besoins des habitants. Profiter de l’expertise d’usage des habitants et structurer le diagnostic en y invitant des experts et des non experts. Rendre compte de l’opinion publique. La participation permet de mesurer le taux d’acceptabilité et la confrontation à laquelle va se frotter une décision publique, elle crée un consensus minimum pour entrainer l’acceptabilité. La décision n’est plus le seul fait des élus, elle est partagée et discutée avec les citoyens. Ceci permet de la faire accepter plus facilement et gérer la contestation en amont et légitimer les décisions prises.
Pour cela, on a besoin d’instruments à mettre en place. Trois de ces instruments sont connus et rodés et ont montré leur efficacité sous d’autres cieux et qui sont la commission nationale du débat public, le référendum local, les conseils de quartiers.
Mais pour que l’efficacité de ces instruments soit assurée, ils doivent être participatifs aux décisions et non purement consultatifs. La démocratie participative est une pratique plus qu’un principe.
Donc nous constatons que la démocratie participative ne mange pas de pain mais empêche les magouilles et c’est peut être là la clé du mystère de ceux qui la rebutent.
Une fois cela dit, examinons l’article 85 du projet de la loi organique qui organise les élections régionales et locales, il nous offre encore une fois le mode de scrutin sur liste et à la proportionnelle au plus fort reste et il y va de plus fort car la liste qui aura le plus grand nombre de voix aura 50% plus un du nombre des sièges au conseil municipales.
L’article 81, dit que la répartition du nombre de sièges se fait par rapport au nombre d’habitants, ainsi de 10 conseillers pour les municipalités de moins de 5 000 habitants jusqu’à 60 conseillers pour les municipalités de plus que 500 000 habitants, on y ajoute d’autre conditions inscrites ici et là dans d’autres articles comme l’article 13 qui nous dit que ceux qui désirent se présenter aux élections doivent entre autres conditions être résidents dans la municipalité où ils présentent leur candidature pour une période de trois années au moins, l’article 19, lui, impose aux listes de fixer une liste complémentaire contenant deux suppléants au moins et au plus un nombre de suppléants égale au nombre des sièges à attribuer. L’article 22, impose la parité homme-femme, l’article 23, dispose que le un tiers des candidats doit être âgé de moins de trente cinq ans et que l’un d’eux doit être parmi les trois premiers de la liste. Aussi angéliques qu’ils puissent paraitre, ces articles ont tous un aspect restrictif.
Prenons le cas de la municipalité de Tunis comme exemple, une municipalité qui compte 728 453 habitants répartis sur quatorze arrondissements, ce qui lui donne le droit à 60 conseillers municipaux. Chaque liste doit impérativement contenir 62 noms, celle qui obtient le plus grand nombre de voix aura 31 élus répartis paritairement entre hommes et femmes dont un au moins est âgé de moins de 35 ans, mais tous résidents à Tunis depuis au moins 3 ans.
Quand on se rappelle de la qualité de nos élus à la constituante ou à l’actuel parlement où les partis même les plus structurés ont trouvé tout le mal pour constituer des listes de huit à neuf candidats valables sur des circonscriptions groupant plusieurs municipalités, on se demande bien, qui des partis, même les plus forts, peut garantir une vraie liste électorale sans des tartempions.
Enfin, la grande trahison se trouve au niveau du code des collectivités locales dont personne ou presque ne parle. L’article 248 de ce code impose que les conseils des arrondissements sont désignés parmi les conseillers municipaux et que le conseil d’arrondissement n’a qu’un rôle consultatif.
Ainsi, ce pouvoir local qui est censé décentraliser centralise de nouveau.
Pour ces raisons l’association « Architectes-Citoyens » dénonce ces projets et annonce son combat contre ce genre de décisions pour le moins grotesques.