La franchise est considérée parmi les solutions, certes à fort potentiel de création de valeur, mais peu développée et répandue comme forme entrepreneuriale. Plusieurs experts de la franchise confirment que depuis 2011, plusieurs franchiseurs ont manifesté un intérêt particulier à la Tunisie et que cet intérêt s’est encore renforcé depuis les élections de 2014. Toutefois, contrairement au Maroc qui compte environ 440 réseaux de franchise, en Tunisie, la franchise est encore en début de chemin. Malgré les efforts fournis en termes d’encouragements, le cadre juridique et réglementaire fait encore défaut en ralentissant l’évolution naturelle et rapide de l’initiative entrepreneuriale.
L’octroi des franchises représente une solution entrepreneuriale, garantie et pérenne pour un développement économique à valeur ajoutée. L’accompagnement du franchisé, l’augmentation du chiffre d’affaires du franchiseur, la création de nouveaux postes d’emploi, tels sont les principaux avantages qu’offre la franchise. « C’est un moyen de développement à l’international. Elle est créatrise d’emplois et de croissance », témoigne Ahmed Masmoudi, Pdg de Patisserie Masmoudi qui a pu s’imposer comme un concept.
C’est dans cette optique que s’est inscrite la première édition du Forum de l’Entrepreneuriat, dans laquelle l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE) a voulu lancer le débat sur des problèmes relatifs à la relation entre franchiseurs et franchisés, et ce, lors d’une conférence organisée aujourd’hui à Tunis dans le cadre de la première édition du Forum de l’Entrepreneuriat sur l’état des lieux et les perspectives de la Franchise pour mettre essentiellement l’accent sur les problématiques liées à la franchise telles que les garanties, les obligations et les droits des franchiseurs /franchisés.
Quels sont les obstacles réglementaires régissant les accords de franchise ? Quel est le cadre juridique à instaurer afin de garantir les droits des différentes parties ?
Pour répondre à ces questions et livrer aux participants des recommandations et réflexions sur le sujet afin d’enrichir les débat, les organisateurs ont invité des avocats d’affaires, des chefs d’entreprise franchiseurs et franchisés, des consultants en franchise et des responsables d’entreprises dans l’objectif d’échanger les connaissances et expériences nationales et internationales.
Deux phases caractérisent l’aspect juridique de la franchise en Tunisie. Avant 2009, il n’existait pas une loi dédiée à la franchise en Tunisie. Après 2009, date de la première loi sur la franchise en Tunisie, le terme franchise est entré dans le lexique juridique tunisien et dans le droit positif tunisien. La loi 2009 définit la franchise comme l’octroi d’une autorisation à une personne physique ou morale à utiliser une marque ou une prestation de service.
S’agissant des règles conceptuelles, la franchise est organisée à travers un contrat et des obligations, mais « cette loi énonce des préalables à un document qui fixe les relations entre franchiseur et franchisé avec une disposition impérative liée au respect d’un délai de 20 jours », précise l’avocat d’affaires Sami Kallel.
Le décret du 21 juin 2010 prévoit que le contrat de franchise doit comporter des clauses minimales prévues par la réglementation qui fixe sa durée, son exclusivité, sa zone géographique d’exploitation, son domaine d’exploitation…
La loi du 15 septembre 2015, relative à la concurrence et les prix , a ajouté de nouvelles conditions pour organiser la franchie en Tunisie pour préciser que contrairement aux marques étrangères, les marques nationales n’ont pas besoin d’une autorisation préalable pour exercer dans le cadre de la franchise. Une liste nominative a été aussi établie pour la franchise des marques étrangères.
Cependant, certains considèrent que la franchise est confrontée à plusieurs risques. Elle n’a jamais été à la portée de tout le monde. Elle est encore confrontée à plusieurs blocages. « C’est généralement réservée aux grands chefs d’entreprise et aux grandes familles. La franchise est encore en phase embryonnaire », a affirmé un homme d’affaires tunisien en réaction aux observations des panélistes.
Pour d’autres, la lenteur administrative représente le grand handicap devant le développement de la franchise en Tunisie. « Il a fallu une année pour avoir une autorisation », témoigne Abderahmen Belkacem, Dg de Hippopotamus Tunisie. Un avis partagé avec Mme Rym Bedoui Ayari, consultante en franchise qui a reconnu qu’il faut au moins six mois pour avoir une autorisation de franchise en Tunisie. Et d’ajouter que les droits d’entrée ont presque augmenté d’environ 50% par rapport à 2011.
Pour Ahmed Masmoudi, il est plus difficile de faire une franchise en Tunisie qu’à l’international..
Dans le même sillage, le cadre institutionnel tunisien actuel peine à être source de motivation pour les entrepreneurs et à créer un effet accélérateur pour l’entrepreneuriat. Certaines insuffisances du mécanisme de la propriété intellectuelle caractérisent encore la loi relative à la franchise.
Idem pour l’aspect change : en Tunisie, il n’y a qu’une circulaire de la Banque centrale qui régit le droit de change. La loi de 2009 sur la franchise ne traite pas encore cet aspect et n’a pas fixé la liste des documents requis pour le transfert de change.
Comment faire évoluer la franchise en Tunisie ?
Au regard des insuffisances réglementaires qui persistent encore , M. Kallel a recommandé d’introduire des réformes au niveau du système réglementaire relatif à la concurrence, réviser la liste des activités de la franchise, mettre en place des autorités compétentes pour assurer la lutte contre la contrefaçon et clarifier la question du transfert à travers la mise à jour de la réglementation en vigueur. Sur le plan institutionnel, l’avocat a recommandé de mettre en place un code déontologique, identifier les branches d’activités encore inexploitées par la franchise, mieux orienter les jeunes franchisés et encourager les banques à financer les jeunes promoteurs franchisés. « Il faut adapter la réglementation au contexte actuel du pays et une économie plus ouverte, revoir la durée des contrats, nous traiter de façon exceptionnel et respecter les conditions d’exploitation citées dans le contrat, sinon le franchisé risque de perdre son contrat », insiste le directeur général de Hippopotamus Tunisie.
Pour M. Masmoudi, il faut faire des choix stratégiques et définir une vision claire dès le départ. L’impact est toujours positif à la marque.
Pour développer davantage la franchise en Tunisie, Mme Rym Bedoui Ayari n’a pas manqué d’insister sur l’importance du contrat de franchise. « Le contrat est le point central. Il faut de la passion pour la marque et être bien encadré et armé d’une bonne connaissance du marché et du produit à franchiser. Il vaut mieux traiter avec des franchises locales au départ parce qu’il s’agit d’un investissement important », dit-elle.
Intervenant au débat, un représentant d’une Sicar a insisté sur l’importance de la démocratisation de la franchise et le développement d’une culture autour de ce concept. Il a même suggéré la création d’un observatoire de la franchise qui puisse réunir toutes les parties prenantes et développer une plateforme de franchise à l’export. « Les banques doivent ouvrir des guichets pour traiter les dossiers et les demandes de financement des franchises », dit-il.
Bref, en Tunisie où la taille du marché est réduite et le pouvoir d’achat encore faible, la franchise demeurera confrontée à plusieurs challenges. Le temps est venu pour convaincre les marques étrangères de venir en Tunisie et trouver les personnes qualifiées pour gérer l’opérationnel des franchises.
Selon Mme Rym Bedoui Ayari, contrairement au Maroc la loi de finances ne permet pas aux grands groupes internationaux d’investir pour leur propre compte. Pour elle, la disponibilité des matières premières pour le sourcing présente encore un grand challenge à relever.