C’est désormais une évidence pour la plupart des experts et économistes tunisiens. Affaiblie, criblée de dettes, l’économie tunisienne plonge dans la récession. Début novembre 2015, le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie l’a déjà confirmé. La chute de l’économie tunisienne est le résultat naturel des crises socioéconomiques successives depuis la révolution. La croissance est aujourd’hui en berne, l’investissement en panne, les finances publiques malmenées, le chômage est persistant et le déficit commercial de plus en plus aggravé.
Le rapport du Fonds monétaire international, publié en avril 2015, a prévu un taux de croissance de l’économie tunisienne de 3%, soit le même taux que celui prévu dans le budget économique du pays. Selon l’évolution de la conjoncture économique relative aux huit premiers mois de 2015, au cours du deuxième trimestre de l’année en cours, le PIB a enregistré une baisse de 0.7% par rapport au premier trimestre de la même année après un repli de 0.2% au premier trimestre, ce qui confirme l’entrée de l’économie tunisienne en récession technique. Au mois d’octobre 2015, selon les estimations officielles du gouvernement tunisien, l’économie tunisienne finira l’année en cours avec un taux de 1.7% et un taux d’inflation à 5.3%. Selon les experts de Tunisie Valeurs, la Tunisie traverse ainsi son ralentissement le plus prolongé depuis plusieurs décennies.
Les indicateurs sont de plus en plus sombres. La récession est aussi confirmée par la révision à plusieurs reprises de la baisse de la croissance. Selon les experts, la croissance atteindrait au plus 0,5 %. D’autres économistes, plus pessimistes, prédisent que si la croissance n’est pas négative, elle sera de zéro à la fin de cette année.
Cette chute libre vient d’être confirmée aussi par le gouverneur de la Banque centrale qui a affirmé, début novembre, dans une déclaration à leconomistemaghrebin.com qu’une simple lecture des chiffres dont dispose la BCT prouve que l’économie tunisienne est en phase d’une réelle récession. « La révision du taux d’intérêt se fait selon un dosage très délicat et dépendant largement du taux de l’inflation. La Banque centrale veille à placer le curseur là où il faut. Elle gère la situation au jour le jour », a reconnu le gouverneur de la BCT.
Aucune solution miraculeuse ne peut désormais sauver la situation. Pour les experts de Tunisie Valeurs, il faudrait un véritable Big Bang pour mettre fin à l’attentisme persistant des entreprises, en annonçant des mesures fortes pour restaurer la sécurité, moderniser l’administration, accélérer les réformes…
C’est vrai que la relance de l’investissement, la réforme de la fiscalité, l’adoption de la loi sur le PPP et le plan stratégique 2016 – 2020 sont des solutions parmi d’autres pour sortir de la récession, mais rien ne sera efficace si l’instabilité persiste, les réformes tardent et les politiques hésitent davantage. « Derrière les réformes, il devrait y avoir une volonté politique de modifier les règles du jeu », estime l’économiste Radhi Meddeb qui a affirmé que la machine économique tunisienne ne pourrait en aucun cas redémarrer telle qu’elle était il y a cinq ans.
Habib Karaouli, PDG de la Banque d’affaires de Tunisie, a affirmé pour sa part que la relance de l’investissement, un des trois moteurs de la croissance, est en grande partie de la responsabilité de l’Etat qui ne peut être ni crédible, ni audible tant qu’il n’a pas initié lui-même la réalisation de ses promesses en matière d’investissement dans les régions.
« L’urgence de l’heure est d’abord de mettre de l’ordre dans la maison. Le paysage institutionnel est caractérisé par un rendement très faible de l’administration, un état d’esprit général très défavorable et une cacophonie qui règne sur le plan social, ce qui n’est pas de nature à favoriser la reprise économique », affirme l’universitaire et l’économiste Abdejelil Bedoui.
Bref, pour l’heure tout va à contre-courant pour sortir de la récession et tous les ingrédients sont là pour enfoncer encore le clou dans un corps déjà malade. La vague des grèves se poursuit, le terrorisme frappe encore et a même atteint ses phases les plus dangereuses et le feuilleton des conflits politiques du premier parti du pays n’est pas arrivé à sa fin. Seuls, ses deux aspects sont largement capables de nous renseigner sur le sort de la croissance pour, du moins, les trois prochains mois qui ne seront en aucun cas meilleurs que les 11 mois passés.