En cette période d’état d’urgence décrété depuis le 24 novembre et de couvre-feu quotidien entre 21h et 5h pour une période indéterminée, l’obligation de rester chez soi est vue d’un mauvais oeil par une majorité des habitants du Grand-Tunis.
On ressent un vrai malaise. Les conséquences économiques pourraient être lourdes. Des rues désertées à partir de 20 heures dans tous les quartiers. Et beaucoup demandent à ce que cette mesure soit levée ou allégée. Reportage.
Lundi 30 novembre, septième journée de couvre-feu, Amine, un jeune barman, s’interroge sur l’utilité du couvre-feu. Il déclare : « On nous a réduit nos horaires de travail, ce qui engendre une baisse de salaire. Depuis une semaine, on n’organise plus d’ événements artistiques. Les fournisseurs exigent qu’on les appelle avant 17 heures. Trouver un moyen de transport vers 20 heures est de plus en plus difficile. Il faudrait que je me prépare pour trouver un taxi dès 19 h mais… ça devient gênant, on ne sait vraiment pas jusqu’à quand ça va durer ! », s’exclame-t-il.
Tout a changé pour Alessia, une serveuse dans un lounge : « C’est la nuit que nous faisons la grande partie de notre recette. Depuis le couvre-feu, le chiffre d’affaires a beaucoup diminué. Avec cette mesure, on ne peut pas demander à être payé comme avant ».
Imen, une chef d’entreprise affirme avoir perdu environ 10% de ses recettes par jour. « Le pays ne supporte pas une telle coercition », affirme-t-elle.
D’autres ont vu leurs recettes chuter. Afifa, propriétaire d’un salon de thé, raconte : « Je faisais une recette de 1500 dinars/jour, maintenant j’arrive à peine à 500. Je ne sais comment payer le personnel, mais j’espère que tout rentre dans l’ordre très vite. »
Entre les pour et les contre, les avis divergent. Pour Makrem, un futur steward, le couvre-feu est une fausse mesure : « Quand on voit que les attaques terroristes ont été commises dans la journée, je ne vois pas l’intérêt qu’on l’instaure tant de soirs. Pourquoi ne pas l’exiger dans la journée? Les terroristes qui se cachent la nuit, sortent durant la journée. Je ne pense pas qu’ils agiront durant le couvre-feu nocturne ».
Anis, un jeune à la recherche d’un emploi, est en faveur du couvre-feu mais voudrait qu’on décale son horaire. « Je suis contre l’horaire du couvre-feu. Il aurait pu être retardé à minuit. Les gens veulent sortir le soir. Il faut montrer aux terroristes qu’on n’a pas peur d’eux ».
« Je finis les cours tous les jours entre 18h et 19h. Pour rentrer chez moi, je dois prendre trois métros. Si je rate le dernier métro de 19h45, soit je reste dehors, soit je dois arrêter un taxi. Après 20h, il est très difficile de trouver un taxi pour rentrer. Les enseignants doivent changer les emplois du temps », raconte Sarhane, étudiant à l’Insat.
« Cela ne me convient pas. J’habite à Cité Ettadhamen. On ne trouve plus un taxi à 20 heures pour rentrer. Si on ne rentre pas avant 21 heures, cela devient compliqué. Je suis pour le couvre-feu, mais qu’on le repousse jusqu’à minuit », affirme Salah, un jeune serveur qui travaille dans un restaurant.
Ridha, gérant d’un bar lounge confie : « J’espère que les choses iront mieux. Ce que nous vivons en ce moment est très délicat. Il faut renforcer la sécurité et donner une image positive de notre pays ! Après le 14 janvier 2011, le Tunisien est devenu traumatisé. Je connais des restaurateurs qui ont dû licencier leur personnel, d’autres qui sont au chômage technique. Avec cette situation, les restaurateurs ont du mal à couvrir leurs charges quotidiennes ».
Pour beaucoup de Tunisiens, le couvre-feu a des répercussions plus négatives que positives. Aussi, certains proposent d’en changer l’horaire pour préserver l’activité économique et stimuler la consommation.