Le gouvernement de l’islamiste Abdelillah Benkirane devra croiser le fer au cours des prochains jours avec les fonctionnaires mécontents de la réforme des retraites. Ils ont montré leur mobilisation en manifestant le 29 novembre 2015 à Casablanca. Analyse.
Dimanche 29 novembre 2015, dans la ville de Casablanca, la capitale économique du Maroc, avait lieu une manifestation imposante pour « dénoncer la politique unilatérale » du gouvernement d’Abdelillah Benkirane.
Organisée par les principales organisations syndicales du royaume chérifien, la CDT (Confédération démocratique du travail), l’UMT (Union marocaine du travail), l’UGTM (Union Générale des travailleurs du Maroc) et la FDT (fédération démocratique du travail), cette manifestation avait notamment pour objectif de faire pression sur le gouvernement islamiste marocain afin qu’il adopte une « approche participative dans la réforme de la retraite ».
Et les quatre centrales sont prêtes à aller plus loin afin que le gouvernement satisfasse leurs revendications : un sit-in général est prévu le 8 décembre 2015 à Rabat, la capitale politique du pays, et … une grève générale dans la fonction publique pour le 10 décembre 2015.
La grogne monte du reste parmi une bonne partie des fonctionnaires marocains (quelque 860 000 ) depuis que le Premier ministre a déclaré dans une interview, accordée fin octobre 2015 à notre confrère la chaîne de télévision marocaine de Tanger (Nord du Maroc), que dorénavant « la pension de retraite sera calculée sur la base de la moyenne des salaires des huit dernières années ». Ce qui signifie une perte moyenne de 600 Dirhams marocains (l’équivalent d’environ 123 Dinars tunisiens) sur une pension de 9000 Dirhams (près de 1850 Dinars tunisiens).
Autre réforme envisagée par Abdelillah Benkirane : faire passer l’âge de départ à la retraite à 63 ans au lieu de 60 ans actuellement. Longtemps reportée, la réforme des retraites risque de causer beaucoup de tracas au gouvernement marocain qui la juge impérative vu que, si rien n’est fait au plus vite, cela risque de jouer un très mauvais tour aux finances publiques.
Déjà on annonce que les retraites ont commencé à afficher un solde déficitaire : 200 à 300 millions de Dirhams (entre 41 et 61 millions de Dinars tunisiens). Mais pis encore : l’organisme qui les gère, la CMR (Caisse marocaine des retraites), estime que toutes ses réserves risquent d’être épuisées d’ici cinq ans, soit en 2021.
« Une bombe à retardement »
Les personnes proches du dossier parlent, à ce niveau, d’une politique généreuse et même « laxiste. Bien plus, on dit que les gestionnaires de ce dossier ont pendant très longtemps pratiqué la « politique de l’autruche ».
Générosité ? Effectivement. Jusqu’ici le régime des fonctionnaires offre pour chaque année 2,5%, soit un taux de remplacement qui peut atteindre 100% du dernier salaire. L’état est tel, souligne-t-on du côté de la CMR, que l’Etat devra débourser 450 milliards de Dirhams (environ 92 milliards de Dinars tunisiens) sur une durée de 50 ans pour pouvoir continuer à donner une retraite à ses fonctionnaires.
A ce déficit abyssal, considéré une bombe à retardement, l’explication avancée par certains est la baisse des effectifs parmi les fonctionnaires. En effet, depuis l’adoption du Plan d’ajustement structurel en 1983, le Makhzen, terme utilisé au Maroc pour désigner l’Etat et ses institutions, recrute moins. Résultat : le nombre d’actifs finançant les retraites est passé de 10 en 1983 à 3 en 2010.
Ensuite, les résultats du recensement de 2014, annoncés le 13 octobre 2015 par le HCP (Haut Commissariat du Plan), l’équivalent de l’INS (Institut national des statistiques) en Tunisie, mettent en évidence un vieillissement de la population corroboré par le taux des 60 ans et plus qui est passé de 8,1% en 1994 à 9,6% en 2014.