La crise de Nida Tounes atteste qu’il ne répond plus à l’appel du pays. L’affrontement entre ses dirigeants révélerait une perte de ses repères démocratiques. Qu’on mesure la gravité de cette velléité de réunir un congrès non-électoral, dans l’ère révolutionnaire, qui a érigé la démocratisation en principe fondateur. L’épreuve montre l’absence de processus d’autorégulation, ou plutôt d’autocritique.
Face au big bang annoncé du parti qu’il a fondé, le Président Béji Caïd Essebsi a constitué une équipe de médiation. Il voudrait redonner du sens à un parti fracturé. Dès son élection à la présidence, son leitmotiv, sa devise était le dialogue, l’apaisement, la condamnation de l’exclusion. Pourra-t-il faire valoir cet impératif qu’il a théorisé à la classe politique et aux protagonistes de Nida Tounes ? L’équipe des treize, pourrait-elle être au-dessus de tout soupçon, pour rapprocher les points de vue et faire valoir des compromis ? Ce qui exige une prise de distance des différents acteurs et d’abord une restauration urgente des institutions de direction du parti. La tournure des événements atteste la complexité de la situation.
L’éveil des acteurs ne permettrait point de solutions partisanes et de marchés de dupes. Un simple arrangement technique, telle la fusion de tous les acteurs, assimilant à la hâte tous les candidats, occultant les antécédents, les jeux de rôles, les niveaux politiques, les audiences personnelles, discréditerait ce parti national, qui a réussi à rétablir l’équilibre politique, après les élections de 2011. D’ailleurs, la crise a reconstruit une démarcation géopolitique et des jeux d’alliances, représentés sommairement par le rappel de la modernité et l’ouverture bourguibienne des uns et l’affirmation de la paternité commune avec Nahdha, des autres. Est-ce à dire qu’on est en train de jouer à la roulette russe ? Cette thèse de ceux qui s’accommoderaient d’un compromis technique, discréditerait le processus de réconciliation, dans un affrontement de vents contraires.
Constat élémentaire, la population et fait grave, les militants de Nida Tounes, sont en position de spectateur. Mise en valeur par les talks- shows et les guerres sur les plateaux, la crise suscite la désillusion, sinon l’indifférence. Elle n’intéresse plus que le microcosme politico-médiatique. Les problèmes sécuritaires et sociaux constituent désormais les intérêts prioritaires de la nation. Du point de vue économique, la révolution n’a pas été un décollage mais un crash. D’autre part, la Tunisie est blessée. Ne sous-estimons pas les effets de la focalisation sur la question sécuritaire.
L’indifférence concerne d’ailleurs l’ensemble des partis. Les citoyens s’interrogent : quel est le parti qui parle vrai ? Ils estiment qu’il faut nommer ce que les gens voient, appréhendent et vivent. Ils souhaitent qu’on affirme les valeurs de citoyenneté, d’autorité, de développement et d’ouverture. Sommes-nous arrivés à un point tel qu’il faudrait réinventer la Tunisie, certains diraient la restaurer ? Le combat est d’abord culturel et politique : faire valoir l’ouverture et le progrès contre le passéisme et la nostalgie et opposer un démenti à la banalisation et à la défection.