L’Association tunisienne de lutte contre la corruption publiera prochainement un rapport sur, entre autres, les défaillances de l’ administration tunisienne, intitulé : « La persistance de l’Etat de la corruption et de la dictature ». Brahim Missaoui, le président de l’association, a révélé exclusivement aux lecteurs de leconomistemaghrebin.com quelques éléments du rapport avant sa publication. Brahim Missaoui a indiqué qu’il détient toutes les preuves et tous les chiffres qui appuient ses propos.
Ce rapport a été élaboré pendant 2015 par huit volontaires dont quelques uns sont des juges administratifs, des avocats et des experts comptables. Si l’enquête s’est déroulée sur une année, c’est à cause du nombre réduit de participants à l’enquête et des moyens du bord, explique Brahim Missaoui.
De la nécessité de réviser la loi relative à la fonction publique
La loi 83-112 du 12 décembre 1983 relative à la fonction publique doit être revisitée, afin qu’elle s’adapte aux exigences de l’ administration tunisienne dans le contexte actuel et avec les règles de la bonne gouvernance au sein de l’ administration. Le rapport indique que cette loi a été vidée de tout sens et qu’elle n’a plus aucune valeur d’organisation.
En ce qui concerne le recrutement au sein de la fonction publique, notre interlocuteur a rappelé que pour répondre aux besoins de recrutement d’un ministère, un comité composé de membres du ministère avec des membres de la présidence du gouvernement se charge de toutes les étapes du recrutement d’après la même loi. Mais ce qui se passe n’a rien à voir avec la loi. En effet, d’après notre interlocuteur, pendant les cinq dernières années chaque ministère s’est chargé de ses propres recrutements tout seul. « Cela a laissé la porte grande ouverte aux faux concours et aux régularisations de la situation des fonctionnaires recrutés dans le cadre de contrats à durée déterminée de trois mois », indique-t-il. Des plaintes ont été déposées auprès du ministère public contre la manipulation des résultats des concours et actuellement la Brigade économique de Gorjani examine les dossiers ».
La destruction des appareils de l’Etat
Le rapport a pointé du doigt l’utilisation à usage personnel des ressources de l’ administration par les fonctionnaires de l’Etat, à l’instar du papier, du carburant et des communications téléphoniques. Toujours d’après le même rapport, il s’agit d’une utilisation abusive et sans précédent. « Ce phénomène existait bel et bien avant le 14 janvier 2011, mais à partir de cette date, il a augmenté d’intensité de façon particulière, à cause du manque de contrôle et du défaut d’application de la loi.
Discrimination régionale et en genre au sein des administrations tunisiennes
« Quand nous avons suivi les structures des ministères tunisiens, nous nous sommes rendus compte que chaque ministère « appartient » à un gouvernorat particulier et cela dépend du nombre de fonctionnaires appartenant à une région ou un gouvernorat bien déterminé qui y travaillent; et il existe des familles entières qui travaillent dans le même ministère. Il suffit de se concentrer pour se rendre compte de l’existence de ces familles. Et bien entendu, quand une dispute se produit, cela tourne mal ».
L’absence d’incitations pour les bons éléments
L’absence d’incitations contribue à la création d’un certain désespoir chez les fonctionnaires. Car, que le fonctionnaire soit productif ou non-productif, il finira tôt ou tard par avoir toutes les promotions et cela contribue à la création d’un certain désespoir et à la réduction de l’enthousiasme. « Il n’existe aucune justice concernant les motivations au sein de l’ administration tunisienne », indique-t-il.
L’incapacité de l’administration à s’adapter aux outils technologiques
L’ administration tunisienne est restée statique et ne s’est pas adaptée aux outils technologiques. De plus, plusieurs fonctionnaires refusent d’utiliser les applications informatiques et les logiciels fournis pour faciliter la tâche, ajoute notre interlocuteur. Brahim Missaoui explique que les fonctionnaires refusent l’utilisation des applications parce qu’elles gardent une trace et prouvent s’ils ont accompli ou pas leur travail.
L’intervention des syndicalistes dans les décisions administratives
Brahim Missaoui a rappelé que le rôle principal des syndicats est de défendre les intérêts des travailleurs et qu’ils ne sont pas un partenaire dans la prise des décisions. « Mais d’après ce que je vois, le syndicat protège la corruption, car les syndicats ont contribué aux recrutements massifs et aléatoires ».