Les débats sur la loi de finances pour l’année 2016 a pris des allures de champ de bataille entre les partis au pouvoir et l’opposition. Les affrontements vont bon train entre les deux groupes.
Pour comprendre les rouages de cette loi, joint par téléphone, Ahmed Seddik, membre de la commission de la législation générale, nous livre son point de vue et sur les raisons pour lesquelles l’opposition a quitté l’Hémicycle lors du vote, en plénière.
Il déclare: « Personnellement cette loi, c’est le grand paradoxe. Quand on nous dit que les caisses de l’Etat sont vides et que le gouvernement se trouve dans l’obligation de recourir à l’emprunt, interne ou de l’étranger, et qu’on trouve des failles dans des textes de loi, comme les articles 54, 56 et 61, qui encouragent l’évasion fiscale, là je me demande où on va avec ce genre de pratiques imposées par la coalition au pouvoir ? ».
Il poursuit: « Et au final, le gouvernement a cédé à leurs pressions. Vous savez ce qu’ils sont en train de faire ? Ils utilisent une arme à double tranchant, une fois ils soutiennent le gouvernement, mais d’un autre côté, ils veulent l’affaiblir ».
Et d’ajouter: « Prenons le cas du projet de loi relatif à la réconciliation économique déposé par la présidence, qui n’a pas été approuvé, Savez -vous ce ce qu’ils ont fait ? C’est simple, ils ont tenté de le glisser dans la loi de finances. Je trouve scandaleux et aberrant qu’on recoure à de telles expédients ».
« Ces députés ne défendent en aucun cas les intérêts publics, au contraire, ils mettent en place leurs propres intérêts. Ils ont bafoué la notion de constitutionnalité. Une chose à laquelle nous, en tant qu’opposition, nous avons signé une pétition pour annuler la loi de finances. Jusqu’à maintenant nous sommes 30 personnes à avoir signé, on attend de voir ce qui passera ensuite », renchérit-il.
Quant au député du Courant Démocratique, Ghazi Chaouchi, il a affirmé à leconomistemaghrebin.com que pour la première fois dans l’histoire de la Tunisie, les discussions relatives au projet de loi de finances se font en l’absence des députés de l’opposition et de rappeler que tous les députés de l’opposition, malgré leurs divergences idéologiques, ont boycotté la séance.
Revenant sur les raisons du boycott, il a indiqué que l’opposition soutient que plusieurs articles dans la loi de finances favorisent la fraude fiscale et n’encouragent pas l’équité fiscale, notamment les articles 54, 56 et l’article 61 relatif à l’amnistie des infractions et délits de la loi de change, lequel reprend l’un des articles du projet de loi de réconciliation économique et financière proposé par la Présidence de la République.
Par ailleurs, notre interlocuteur a indiqué que deux réunions ont été tenues pour aboutir à un consensus entre l’opposition et la coalition gouvernementale, mais en vain.
« Voter la loi de finances en l’absence de l’opposition est un signal négatif pour les partenaires nationaux et même internationaux. Les centres de notation donnent beaucoup d’importance à la loi de finances et si jamais l’on fait fi de l’avis de l’opposition, c’est un mauvais signe qu’on envoie aux institutions internationales » , indique-t-il, en concluant que « l’opposition se prépare à déposer un recours auprès de l’instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois ».
Commentant l’adoption de la loi de finances 2016 en l’absence de tous les députés de l’opposition, Lotfi Ben Aïssa, expert en finances publiques et en fiscalité au sein du Front Populaire, a indiqué à leconomistemaghrebin.com que cela traduit une fausse manœuvre de la part des partis politiques au pouvoir « qui ont tablé plus sur le rapport de force arithmétique au sein de l’Assemblée sans mesurer les dangers politiques de cette manœuvre », indique-t-il.
Il a estimé que le vote a été affaibli à cause de l’absence de débat. « Malheureusement, ce problème a occulté les bonnes dispositions qui figurent au sein de la loi de finances dont certaines sont excellentes, à l’instar du mécanisme de contrôle des chiffres d’affaires des professions libérales mais malheureusement elle est passée inaperçue », affirme-t-il.
La gestion des affaires de la coalition gouvernementale à travers les groupes parlementaires pose souvent problème, estime le spécialiste, et de rappeler que dans le cadre du projet de la loi de finances, la mesure qui consiste à accorder une copie des contrats de location à la recette des finances a été retirée et que l’article 61, qui est l’une des dispositions principales du projet de loi, relatif à la réconciliation économique et financière, a été adopté, informe-t-il.
Il est à rappeler que la loi de finances 2016 a suscité la polémique même avant son adoption. Le projet de loi a été adopté hier en l’absence de tous les blocs de l’opposition.