La corruption, qu’elle soit d’ordre politique, économique… est un fléau mondial qui s’intensifie. Elle touche tous les pays. Selon le rapport de Transparency International, la Tunisie se classe à la 79ème place. Un classement bien supérieur à 2010, où elle se situait au 59e rang sur 177 pays. Pour dresser le bilan de la corruption, le président de l’Instance nationale de la lutte contre la corruption ( INCC ), Samir Annabi, nous livre son point de vue. Interview…
leconomistemaghrebin.com : La corruption a-t-elle baissé ou augmenté après la révolution?
La corruption a certainement augmenté tout juste après le 14 janvier, parce que les structures de l’Etat se sont affaiblies d’un côté. Et d’un autre, les personnes corrompues ont tiré profit de cette situation. La petite corruption a bel et bien augmenté. La grande corruption a diminué, non pas pour une raison d’un travail de lutte contre la corruption qui a été fait en ce sens, mais pour une toute autre raison, parce que les grands marchés des travaux publics ou d’acquisition ont diminué après la révolution.
Samir Annabi : Qu’entendez-vous dire par la petite corruption?
Ce qu’on appelle par là le « Bakchiche », le petit pot-de-vin qui est servi à l’agent, au fonctionnaire, que le citoyen moyen paie malgré lui. Mais contrairement à ce qu’on prétend, je ne connais pas un citoyen qui est disposé à verser de l’argent de bon cœur. S’il le fait, c’est qu’il se sent obligé pour que son dossier soit traité le plus rapidement, pour avoir un petit privilège, ou encore pour écarter les contrôleurs de travaux de son chemin.
Qu’en est-il aujourd’hui de l’état des lieux de la corruption?
L’état des lieux de la corruption remonte d’une façon sulfureuse, et ceci nous l’avons soulevé à l’occasion de la Journée internationale de la lutte contre la corruption. Prenons l’exemple du budget : on trouve que les moyens mis à la disposition de l’Instance nationale de la lutte contre la corruption sont ouvertement ridicules. Or le budget de l’instance s’élève à 390 mille dinars, dont 220 mille dinars serviront à payer le loyer du siège, ce n’est même pas le quart du budget d’une association de la société civile qui travaille dans le domaine de la lutte contre la corruption. On vous demande de démolir une montagne, alors qu’on vous donne un petit marteau, même pas un marteau ordinaire. Ceci dénote du peu d’importance que le pouvoir public accorde à cette fonction. Il y a beaucoup de personnes qui sont impliquées dans ce circuit de la corruption et qui se trouvent aujourd’hui influents.
Et l’argent politique dans tout ça?
Cela fait partie de la corruption sans aucun doute. La corruption se trouve au niveau de financement des partis politiques et surtout lors des campagnes électorales. La Cour des comptes a déjà établi un rapport dont on ignore encore ce qu’il adviendra et qui sont les personnes impliquées. Est ce que les candidats ont réellement remboursé l’argent qui leur a été prêté ? Ce sont des questions qui demeurent sans réponse. On est vraiment très loin des standards internationaux dans le domaine pour combattre ce fléau. On a déjà préparé une stratégie nationale déposée à l’Assemblée nationale constituante, mais malheureusement, depuis avril 2014, ce projet n’a pas vu le jour.