Le spectre d’une hausse de 4 °C de la température mondiale à l’horizon 2100 (par rapport aux niveaux préindustriels) s’est-il éloigné ? L’accord universel sur le climat a été adopté par consensus, le 12 décembre au soir, par les 195 Etats participants de la COP21. La date est historique, l’exercice diplomatique remarquable. L’accord vise à maintenir le réchauffement climatique « bien en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels » et à « poursuivre les efforts pour limiter la hausse des températures à 1,5 °C ». Toutefois, le texte prévoit de manière approximative et non contraignante de viser « un pic des émissions mondiales de gaz à effet de serre dès que possible », alors même que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) estime qu’il faut réduire de 40 à 70 % les émissions mondiales avant 2050. En outre, l’accord pose le principe de la différenciation des efforts exigés aux différents pays, ce en fonction de leur propre responsabilité historique (croissance économique durant l’ère industrielle) dans les changements climatiques. Ainsi, le texte rappelle le principe des « responsabilités communes mais différenciées » inscrit dans la Convention onusienne sur le climat de 1992, sur la base d’une opposition entre Nord et Sud, mais suivant une visée d’intérêt commun. Ce principe doit permettre à l’ensemble de la communauté internationale d’assumer sa part d’obligations pour la sauvegarde de la planète et donc de l’humanité. En cela, une communauté internationale est peut-être effectivement née avec cet accord universel …
Les perspectives ainsi ouvertes revêtent un enjeu particulier pour le monde arabe. Si les émissions de gaz à effet de serre sont les principales sources de pollution de l’air dans les pays arabes, l’évolution des données climatiques s’avèrent cruciale pour l’avenir de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA). Selon un rapport (intitulé « Adaptation to a Changing Climate in the Arab Countries ») publié en décembre 2012 par le Groupe de la Banque mondiale, la région MENA sera celle qui sera la plus impactée par les effets du changement climatique. L’aridité des régions arides s’accroît déjà et les inondations soudaines se multiplient. Selon ce document ayant mobilisé experts et chercheurs, au cours des trois dernières décennies, les catastrophes climatiques ont déjà touché 50 millions de personnes dans le monde arabe, représentant un coût direct d’environ 12 milliards de dollars et un coût indirect bien plus élevé. Dans cette région, les températures devraient atteindre de nouveaux sommets et les précipitations diminuer si bien que cette précieuse richesse naturelle devrait devenir plus rare encore. L’augmentation des pénuries d’eau signifie aussi la montée de l’insécurité alimentaire. Un climat plus sec – avec des vagues de chaleur plus longues et plus étendues – rendrait certaines régions invivables pour l’Homme, certaines terres impropres à l’agriculture, secteur déjà mis à rude épreuve par le climat. La conjonction de l’augmentation des températures, de pluies plus sporadiques et de sécheresses plus fréquentes pourrait induire une multiplication des mauvaises récoltes et une baisse des rendements, avec à la clé des difficultés croissantes pour la population rurale de la région MENA, qui représente près de la moitié de ses habitants. Ces phénomènes ne peuvent qu’accroître les mouvements de migration (internes et vers l’étranger) et les risques de conflits.
Malgré ce sombre tableau, force est de constater le déficit d’action en la matière, malgré quelques projets ou initiatives spectaculaires. Pourtant, c’est le modèle économique et social de ces pays qui devrait être repensé à l’aune de la nouvelle donne climatique. Plus qu’une contrainte, il y a là une opportunité pour les pays arabes au regard du potentiel que recèlent leurs territoires en termes d’énergies éoliennes et solaires.
Au terme de la COP 21, les gouvernements des Etats et citoyens du monde arabe sont face à leurs propres responsabilités. Les politiques publiques comme les comportements individuels doivent intégrer cette nouvelle donne climatique pour fonder un développement économique et social fondé sur le développement durable. Tel est le destin des nouvelles générations, des générations post-industrielles et post-hydrocarbures…