La Cour Constitutionnelle est une fois de plus l’objet d’une polémique et de débats même si la loi a été votée le 20 novembre.
Depuis l’adoption de la Constitution, le 27 janvier 2014, la Tunisie a entamé une nouvelle phase de son processus de transition démocratique. Il est clair que l’une des priorités de la nouvelle législature est d’achever la mise en place de l’architecture institutionnelle dont principalement la Cour Constitutionnelle.
Un grand nombre d’élus, d’universitaires, de magistrats, de praticiens de droit, d’organisations de la société civile se sont réunis aujourd’hui pour débattre de la mise en place de la Cour Constitutionnelle, ayant pour thème les défis et les enjeux, en collaboration avec le Programmes des Nations unies pour le Développement (PNUD), Democracy Reporting International (DRI) et International Institute for Democracy and Electoral Assistance (IDEA).
L’objectif de cette conférence est d’aborder la question dans sa plus large perspective, à savoir les délais de la création de la Cour Constitutionnelle, les craintes?
Présent lors du panel, Abeda Kefi, président de la commission de législation générale à l’ARP déclare: « La loi qui a été votée est l’une des plus importantes qu’on a eu à voter et qu’on aura à voter d’ici la fin du mandat du Parlement. C’est l’un des fondements de la République. Quand une loi est votée conformément à la Constitution, elle va consacrer la liberté et les devoirs de chacun. D’un autre côté, les enjeux sont énormes, parce qu’on parle de garantir la vie publique dans le pays ».
Interrogé sur sa mise en place, il répond: “Il faut que la commission de contrôle de la constitutionnalité des lois prenne position vis-à-vis du Conseil supérieur de la magistrature”.
De son côté, Néji Baccouche, doyen de la faculté de Droit de Sfax, évoque le dépassement des délais prescrits pour l’activation de cette loi. Il souligne à cet effet: « Les délais sont déjà dépassés. A présent on attend la décision de l’Instance provisoire de la constitutionnalité des lois qui se prononcera dans les prochains jours. Si elle ne fait rien, nous serons face à une nouvelle étape, à savoir des mois d’attente voire un an. Ce que je crains, ce sont les lenteurs, si la loi est invalidée une deuxième fois, ce serait catastrophique quant aux conséquences sur le plan politique. »
Par ailleurs, Ahmed Souab, l’ancien adjoint du président du Tribunal administratif, lui aussi confie qu’on ne peut pas faire autrement quant aux délais qui sont dépassés. Mais ce qu’il juge le plus important c’est le grand risque d’implication des partis politiques dans la Cour Constitutionnelle. Il indique: « Fort heureusement, on a dépassé ce cap grâce à l’article 7, c’est la plus grande bataille. Vous savez à travers mon expérience, les praticiens de droit peuvent faire la meilleure loi, par contre on peut avoir une loi faible avec les plus grands juristes hommes et femmes. Nous aurons une très belle jurisprudence ».
Il poursuit: « La preuve, l’Instance Vérité et Dignité qu’a-t-elle fait au juste, si ce n’est entrer dans des conflits politiques ?”.
Prenons l’exemple du Tribunal administratif, on avait une petite loi dans un climat politique, juridique despotique du temps de Bourguiba, puis mafieux du temps de Ben Ali. »
Il ajoute: » En conclusion, nous disposons d’une loi qui est supérieure à la moyenne, il suffit de choisir des gens de caractère, de bons juristes au-dessus des partis politiques. Mais il y a l’étoffe, quand on juge, on laisse de côté nos appartenances idéologiques. C’est un pas en avant, mais il faudrait qu’on écarte les quotas politiques « .
Pour sa part, Ahmed Ounaies, politicien déclare: « Quand un projet de loi n’est pas conforme à la Constitution ou qu’une loi déjà approuvée et mise en œuvre n’est pas conforme, elle devrait revenir devant l’ARP pour être amendée et révisée. Quel mal y a-t-il, c’est ainsi que les sociétés civilisées évoluent et progressent en se perfectionnant indéfiniment. Certes cela coûte du temps, cela coûte la suspension d’un certain nombre de procédures, de la jouissance de certains droits mais c’est limité dans le temps et c’est ainsi que les sociétés paient le prix de leur propre progrès ».
Et de continuer: « Il faut l’admettre que les sociétés humaines sont ainsi faites quand elles sont fidèles à l’Etat de droit. Bien sûr elles peuvent transgresser, il y a des dictatures, des despotismes, mais quand elles adoptent l’option de l’Etat de droit, il faut bien qu’elles admettent qu’il y a un prix à payer. Je trouve que nous sommes en train de commencer une ère démocratique, d’Etat de droit. Nous vivons la deuxième phase de la transition démocratique, après l’adoption de la Constitution, la création de l’ARP, la formation du gouvernement et de la nouvelle Constitution « .
Et d’ajouter: « Maintenant nous sommes dans la phase d’installation des institutions constitutionnelles. Nous sommes en train d’édifier un Etat démocratique arabe unique. C’est la première fois dans l’histoire qu’une société arabe amorce un processus aussi ambitieux ».
Interrogé sur la désignation des membres de la Cour Constitutionnelle, il répond: « On ne peut pas exclure la malice dans les désignations, on peut dire que toutes les précautions sont prises pour que la garantie de l’impartialité, de l’indépendance et de la loyauté soient respectées « .
Il conclut: « Il faut accepter la part de subjectivité dans l’Etat de toute bonne foi et de mauvaise foi, mais je crois personnellement que la volonté générale de la Tunisie est de s’élever au-dessus de ce que nous sommes et d’être meilleurs que ce que nous sommes. La volonté est claire, affirmée et elle est consensuelle