Des acteurs de différents horizons regroupant des universitaires, des fonctionnaires, des entrepreneurs, des syndicalistes, des hommes et des femmes d’affaires, des représentants de la société civile… se sont réunis samedi 19 décembre à l’IACE, et ce, à l’initiative du think-tank « Cercle Kheireddine » pour débattre « des défis et des opportunités de la situation économique de la Tunisie ». Cette table ronde s’inscrit dans le cadre de dizaines de rencontres visant à aborder différents aspects du thème qui leur paraissent revêtir un caractère éminemment urgent celui de la relance économique. Objectif : définir les contours du Plan de développement 2016-2020.
Préoccupés par la situation économique difficile du pays, les organisateurs ont voulu lancer une alerte, mobiliser les Tunisiens sans se perdre dans de fausses pistes et présenter des exemples sectoriels concrets pour sauver le navire Tunisie.
Invité pour animer ce débat, Marouen Abassi, sénior économiste à la Banque Mondiale, sans noircir le tableau, a présenté les contraintes et les défis auxquels fait face aujourd’hui l’économie tunisienne, les possibilités de sorite de crise et les opportunités à saisir pour relancer l’économie nationale.
Les disparités régionales s’accentuent
La croissance pose encore problème en matière de création de nouveaux postes d’emploi. Les réserves en devises sont en grande partie générées par des financements extérieurs. En 2016, la partie internationale dans les réserves en devises va être très importante. Cela veut dire que les contraintes vont beaucoup dans le sens de la baisse du taux de croissance surtout que les partenaires internationaux de la Tunisie ne sont pas très coopératifs. Un vrai risque se présente au niveau de la dette publique.
Sur le plan socioéconomique, le modérateur a mis l’accent sur les disparités régionales, notamment celles liées à l’accès à l’infrastructure et la faible participation des femmes dans l’activité économique. Il a, dans le même ordre d’idées, souligné la faiblesse du partenariat social qui, selon lui, est actuellement marqué par le manque d’opportunités et l’arrêt de l’ascenseur social. « Une croissance de 7 ou 8% ne pourra pas résoudre la problématique du chômage », a-t-il dit.
Evoquant la baisse de la productivité, M. Abassi a fait remarquer que certains secteurs s’attribuent de grandes marges au détriment de la productivité et de l’emploi, ce qui engendre un dysfonctionnement au niveau du marché du travail. « L’accès des jeunes aux sources de financement reste le grand handicap à la création des PME et des emplois. Les procédures administratives demeurent lourdes. A titre d’exemple : le taux d’utilisation des dons est extrêmement faible. Ces dons reviennent aux bailleurs de fonds », s’est-il alarmé.
Moteurs de croissance en panne !
Les principaux moteurs de croissance de l’économie tunisienne sont panne. Le problème de la gouvernance a beaucoup impacté l’investissement. Les exportations sont en baisse et la consommation a beaucoup baissé dans les régions. « Une chance sur quatre est de tomber sur la pauvreté », a-t-il précisé.
La forte présence de l’Etat au niveau des secteurs productifs ne permet pas de trouver l’équilibre entre le public et le privé. « il y a un sérieux problème dans les entreprises publiques. La Steg est l’entreprise publique la plus corrompus », a fait remarquer M. Abassi.
Comment faire autrement ?
Pour être optimiste, l’économiste à la Banque mondiale a fait savoir que la Tunisie connaîtra dans la prochaine période une relative maîtrise des dépenses énergétiques avec notamment la baisse continue des prix des hydrocarbures à l’échelle internationale. Toutefois, M. Abassi prévoit qu’il y aura des tensions sur le marché alimentaire. En conséquence, le déficit courant restera élevé vu la baisse des activités touristiques. « Le taux de croissance de 2,5% prévu par le FMI pour la Tunisie est à prendre avec précaution. En 2016, il n’y aura pas de croissance », a-t-il averti. Et d’ajouter, dans le même sillage, qu’il faut mettre en marche, le plus tôt possible, les réformes nécessaires.
Pour clôturer le débat sur une note optimiste, les conférenciers ont insisté sur le rôle de certains secteurs qui pourraient représenter de réelles opportunités pour relancer l’économie tunisienne. A ce titre, l’industrie pharmaceutique, les services à la santé et l’industrie numérique et technologique pourraient aider à faire tourner la machine économique du pays.
Enfin, l’économiste de la Banque mondiale a estimé que la baisse du prix du pétrole en Algérie et en Libye est une opportunité pour la Tunisie : ces deux pays voisins seront obligés de diversifier leurs économies.