Habituellement et à pareille époque de chaque année, le Sud tunisien, notamment le Jérid, vit sa haute saison touristique. Toutefois, deux visions embrument les discussions autour de cette région où la réalité a, peut-être, échappé aux décideurs et aux acteurs économiques.
Pour les uns, le Jérid tunisien serait juste une manne de ressources naturelles, notamment les dattes- un produit phare de l’agriculture tunisienne- le Sahara et le soleil. Pour les autres, le Jérid tunisien est loin d’être dans les priorités de la stratégie du développement régional en Tunisie, et ce, malgré les vertus de cette région pour l’économie tunisienne.
Le développement de l’activité économique dans cette région n’est pas au rendez-vous cette année non plus, puisque pour la quatrième année consécutive, la saison est plutôt vécue sur une trame de morosité et d’incertitudes, malgré les nombreuses tentatives de redresser et de relancer l’activité-phare de la région : le tourisme saharien.
Pour cette fin d’année, nous avons eu l’occasion de participer au premier événement culturel de la région pour profiter, non pas seulement de la beauté des oasis et de la gentillesse des habitants du Jérid, mais pour partager avec ces derniers leur quotidien et comment ils vivent la crise du tourisme saharien.
Notre voyage nous a menés à Douz, une grande ville du gouvernorat de Kébili au sud tunisien où s’est déroulé, du 24 au 27 décembre, le Festival international du Sahara qui a coïncidé avec les vacances scolaires d’hiver et de fin d’année et se veut un événement qui draine le plus grand nombre de Tunisiens et de touristes étrangers qui étaient assez rares lors de cette 48e édition. Ce festival a suscité notre curiosité et nous a incités à partager avec les habitants de cette délégation leurs plus belles journées de l’année.
Hélas pas de touristes à l’horizon: pour prendre la mesure de la crise, inutile d’aller au bout des oasis ou au sommet des dunes sculptées par les sables et le vent, il suffit de fréquenter des chauffeurs de taxis, les hôteliers, les commerçants…
A notre arrivée, après un voyage de neuf heures, à l’heure d’un superbe coucher de soleil, nous nous sommes dirigés vers un camping géré par une veille dame italienne et situé entre le début de l’oasis et la mosquée de la ville. D’habitude, cet espace de loisir est très fréquenté par une clientèle de tous bords.
A notre arrivée, la porte centrale était fermée. Il a fallu attendre un quart d’heure pour qu’un jeune concierge arrive. Souriant et accompagné de son chien, il nous a ouvert timidement la porte. Le lieu était complètement déserté. Hormis le thé et le café, rien à déguster ou savourer ici.
Pour nous commander quelques bières, nous avons dû nous en remettre à un ami du coin pour nous faire livrer notre commande. Ici, la crise a laissé ses empreintes et a approfondi les rides des hommes et des femmes. « Avant la révolution, les touristes faisaient la queue devant cette porte. Depuis la révolution, nous avons peur d’être attaqués par des barbus. Nous avons renforcé la sécurité et nous essayons d’éviter d’affronter ces voyous », dit-il en croisant les doigts.
Cet endroit rappelle bien combien cette région a souffert avant et pendant ces années de révolution dont les feux des premières étincelles ont été allumés juste à côté. Triste constat : cinq ans après de révolution du « 17 décembre 2010 – 14 janvier 2011 », Douz peine à retrouver ses visiteurs étrangers.
Selon l’indice global de l’attractivité local et du climat des affaires, un classement élaboré par le « Center for International Private Enterprise » ( CIPE ) relevant de l’IACE, les régions intérieures du pays sont au bas du classement, où le gouvernorat de Kébili est le dernier de la classe.
Sur le même indice, Kébili et Tozeur, les deux principaux gouvernorats du Jérid, ont récolté un score de zéro (sur une échelle de 10 ) en matière de propreté des villes, le nombre de pôle de compétitivité, la longueur des autoroutes, le nombre des centres radiologiques et le nombre des entreprises étrangères installées dans ces deux régions. Kébili est classé en 23e position en matière de la qualité de la vie.
Pour revenir à la 48e édition, le Festival international du Sahara de Douz n’est pas seulement un retour aux origines grâce aux différentes activités comme les compétitions de la poésie populaire, du plus beau chien de chasse, du plus beau Méhari, les expositions, les spectacles folkloriques et patrimoniaux, mais également une occasion pour rappeler aux décideurs que toute la région du Jérid a bien besoin d’être désenclavée.
Bien qu’elle ait eu un écho favorable auprès des responsables du secteur de la culture et pourrait promouvoir davantage le produit touristique saharien tunisien, doubler la subvention octroyée à ce festival international n’est pas suffisant. L’accès à la région est encore difficile et coûteux.
Le désenclavement du Jérid et des régions oubliées est un enjeu de taille. La décision du chef du Gouvernement, Habib Essid, lors de sa visite à Tozeur, vendredi 25 décembre 2015, de baisser le prix du billet d’avion entre Tunis et Tozeur de 185 à 100 dinars est à saluer, surtout que cette baisse sera généralisée pour les vols internationaux pour une période à déterminer ultérieurement.
Toujours est-il que la région du Jérid a besoin de moyens de transport et d’une infrastructure routière modernes. Une extension de l’autoroute reliant Tunis à Sfax pourrait être la solution. Le terminus des chemins de fer à Gabès et à Gafsa est à deux pas de Douz et de Kébili. Aller en train au Jérid est encore le rêve des « Jéridiens ».
Le prolongement de l’autoroute jusqu’à la frontière algérienne en passant par Douz, Kébili et d’autres villes pourrait non seulement augmenter le flux des Tunisiens et Européens vers ces régions, mais également ouvrir de nouveaux horizons en matière de flux de touristes algériens, un des plus importants marchés touristiques émetteurs pour la Tunisie, et créer une dynamique économique entre les deux pays voisins.