La guerre des candidatures pour l’élection présidentielle américaine bat son plein. De nombreux politiciens continuent à gaspiller des millions de dollars dans l’espoir de se voir choisis comme candidats de leurs partis (le démocrate et le républicain) pour le rituel électoral de novembre prochain.
Plusieurs candidats à la magistrature suprême, mais seulement deux qui émergent du lot : le magnat de l’immobilier, Donald Trump, et l’ancienne secrétaire d’Etat (2009-2013) et ancienne première dame (1992-2000), Hillary Clinton.
Ces deux candidats à la candidature, l’un et l’autre risquant fort de devenir président, symbolisent de manière frappante la pénurie d’hommes d’envergure capables de gérer une puissance de la taille des Etats-Unis.
Le magnat de l’immobilier est un homme sans passé politique et sans expérience dans la gestion des affaires publiques. Ses deux principales caractéristiques sont l’exotisme et les milliards de dollars qu’il possède. Mais s’il est sorti du lot, ce n’est pas à cause de sa richesse excessive. Certes, l’argent est le nerf de la guerre électorale américaine, mais les autres candidats en sont aussi pourvus.
Ce qui a aidé Trump à distancer ses concurrents républicains, ce sont ses discours originaux et son approche atypique de la politique. L’homme ne mâche pas ses mots et n’éprouve aucun scrupule à nager à contre-courant de l’establishment washingtonien. Par exemple sur l’Irak, la Libye, la Syrie et la Russie, il tient un discours qu’aucun politicien soucieux de sa carrière politique n’ose tenir à Washington.
Dans une interview sur CNN, le candidat à la candidature du parti républicain a franchi des lignes rouges, étonnant par sa franchise politiciens et hommes de médias habitués à un autre discours où l’Amérique est toujours innocente et bienfaitrice : « Le monde se porterait nettement mieux si les anciens dictateurs irakien Saddam Hussein et libyen Mouammar Kadhafi étaient toujours au pouvoir », a affirmé le magnat de l’immobilier. « Regardez la Libye. Regardez l’Irak. Avant, il n’y avait pas de terroristes. Saddam Hussein les tuait immédiatement. L’Irak est maintenant devenu l’université d’excellence du terrorisme », se lamente-t-il. « « La Libye est une catastrophe. L’Irak est une catastrophe. La Syrie est une catastrophe. Tout le Moyen-Orient est une catastrophe où les gens sont décapités, noyés dans des cages, brûlés vifs », dit encore Donald Trump face à son interviewer hébété.
Pour le candidat républicain, ces séries de catastrophes sont provoquées par les politiques de George W. Bush, Barak Obama et Hillary Clinton.
Peut-être plus choquant encore pour la classe politique américaine, l’évaluation très positive du président Poutine et de la Russie que fait Trump, une évaluation aux antipodes de la position officielle américaine selon laquelle la Russie n’est pas très différente de l’Allemagne nazie et Poutine pas moins dangereux qu’Hitler…
Mais si Donald Trump a eu le courage de dire publiquement les vérités sur l’Irak, la Libye et la Syrie que peu avant lui ont osé dire, il montre aussitôt ses limites et étale sur la place publique son inexpérience, quand il en vient aux propositions concrètes concernant la lutte contre le terrorisme. La plus consternante de ses propositions est la fermeture des portes de l’Amérique à tous les musulmans, et même les musulmans de nationalité américaine qui n’auraient plus le droit de revenir au pays, s’ils partaient en vacances à l’étranger!
L’autre proposition qui va l’aider à protéger l’Amérique du terrorisme est le renforcement de l’armée américaine. Mais de quoi a-t-elle encore besoin cette armée qui consomme à elle seule la moitié du budget mondial de la Défense et qui dispose de 700 bases militaires dispersées à travers le monde? Et puis n’est-ce pas cette même armée qui a renversé les régimes de Saddam et contribué au renversement de Kadhafi, que Trump lui-même considère comme des catastrophes?!
L’autre candidate à la présidence est plus problématique encore. On ne peut pas dire qu’elle manque d’expérience politique. Femme d’un ancien président, sénatrice pendant plusieurs années, secrétaire d’Etat de 2009 à 2013, Hillary Clinton a trop d’expérience politique qu’elle n’a malheureusement pas su utiliser dans l’intérêt de son pays et pour la paix dans le monde. Elle a poussé avec une si grande ferveur son pays vers des guerres désastreuses, elle a œuvré avec une telle obstination au déferlement de l’anarchie dans le monde arabe que la doyenne des journalistes américains, Diana Johnstone, lui consacra un livre qu’elle intitula « La reine du chaos ».
Mme Clinton, alors sénatrice, a soutenu fermement George W. Bush dans sa guerre d’agression contre l’Irak ; elle a été le fer de lance de la campagne contre Kadhafi et son régime et ne semble nullement perturbée par le chaos qui déchire la Libye et dont elle est l’une des premiers responsables. Elle s’est fermement opposée à une proposition de la hiérarchie militaire américaine consistant à forcer Kadhafi à la démission, tout en préservant l’armée libyenne en vue d’éviter le chaos très prévisible qui devait suivre la destruction du régime; alors que la Libye est à feu et à sang, Mme Clinton s’est engagée de toutes ses forces dans la déstabilisation de la Syrie, mue par l’obsession pathologique de faire subir à Bachar al Assad le même sort que Mouammar Kadhafi. Alors même que celui-ci venait de subir la mort la plus atroce qu’on puisse imaginer, la secrétaire d’Etat n’avait pu s’empêcher de faire une plaisanterie de très mauvais goût sans pouvoir retenir un éclat de rire cynique…
Le drame de l’Amérique est qu’elle risque de se voir coincée entre deux choix plus désastreux l’un que l’autre. Entre le choix de se faire gouverner par un magnat de l’immobilier qui ne sait rien faire d’autre que gérer des entreprises de bâtiment, ou le choix d’élire une femme qui a déjà largement contribué à semer la mort et la destruction dans le monde arabe.
Cela dit, que le magnat de l’immobilier ou la « reine du chaos » prenne le relais à la Maison blanche, la politique étrangère américaine en sera-t-elle affectée ? Absolument pas. Si l’on se réfère à l’histoire des sept dernières décennies, c’est-à-dire d’Harry Truman qui, en l’espace de trois jours, lança sans raison convaincante deux bombes atomiques sur la Japon, à Barak Obama fier à la fois de son Prix Nobel de la Paix et de sa décision de bombarder sept pays musulmans, on constatera aisément que, pratiquement, aucun président américain n’a terminé son mandat sans avoir préalablement semé la mort et la destruction quelque part dans le monde. Dans les dernières trois ou quatre décennies, la politique étrangère américaine est devenue d’une agressivité telle envers les Arabes et les Musulmans que les victimes entre morts, blessés et déplacés se comptent en dizaines de millions.
Dans l’un de ses discours de campagne, Donald Trump a affirmé : « Nous avons dépensé quatre trillions (4000 milliards) de dollars dans le seul but de renverser des régimes. Franchement, si ces régimes n’étaient pas tombés et si nous avions utilisé ces quatre trillions de dollars à réparer nos routes, nos ponts, nos aéroports et à faire face aux autres problèmes que nous avons, nous serions aujourd’hui dans une bien meilleure situation. »
Il n’est pas sûr qu’il garde les mêmes idées, s’il a la chance de se retrouver à la Maison blanche le 20 janvier 2017.