« Heureusement, le ridicule ne tue pas, pas même en politique. Sinon, nos cimetières seraient remplis de nos gouvernants. » — Philippe Alexandre, Journaliste et écrivain français.
J’entends depuis quelque temps, ça et là, des déclarations grandiloquentes et des professions de foi à l’emporte-pièce du type : la gauche doit s’unir pour sauver la République, comme si cela ne dépendait que d’elle ; le consensus ou le désastre ; ou encore, bientôt la banqueroute pour l’Etat, pas de salaires pour les fonctionnaires et pas de pensions pour les retraités, comme si c’était Apocalypse Now!
C’est quoi tout ce délire ? Même s’il est vrai qu’il n’y a pas de fumée sans feu, que l’incendie est bien là, qu’il va falloir l’éteindre au plus vite et que là aussi, trouver les bons pompiers s’avère être de plus en plus difficile. Ancien président du Conseil, Georges Clemenceau, surnommé le tigre, disait à propos de Raymond Poincaré, ancien président de la République française, qu’il sait tout, mais ne comprend rien.
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En usant de la parabole, je dirais la même chose à propos de nos chers politiciens, tellement imbus de leur personne, qui croient tout savoir mais qui, en fait, ne savent rien ou pas grand-chose. Le même Clemenceau, peu avare en bons mots, disait aussi au sujet d’Aristide Briand, ancien ministre des Affaires étrangères et non moins ancien président du Conseil (le fameux pacte Briand-Kellogg qui condamne le recours à la guerre pour le règlement des différends ne vous dit-il pas quelque chose ?) qu’il ne sait rien, mais comprend tout. Sans verser dans l’exagération, j’en dirais autant en ce qui concerne les citoyens de ce pays : on croit savoir qu’ils ne comprennent rien, alors qu’ils savent tout.
On veut leur faire prendre « des vessies pour des lanternes », mais ils ne sont pas dupes et le font savoir à grand bruit. Je ne sais pas si j’ai bien restitué l’état des lieux, même si tout indique que le microcosme politique n’est pas près de sortir de ses contradictions. Comment en peut-il être autrement, quand l’ombre de l’ancien président de la République Zine El Abidine Ben Ali plane sur chaque fait et geste et de partout que fusent, à tout bout de champ, des accusations de révisionnisme et que la hantise d’un improbable retour du bâton est presque devenue pathologique. Chaque jour, on entend tout et son contraire : on dénonce, d’une part, le laxisme de l’Etat, puis quand ce dernier intervient, on se dépêche pour réveiller de mauvais souvenirs, qui au nom de la défense des droits de l’Homme, qui au nom de l’orthodoxie religieuse.
A ce propos, je conseillerais aux salafistes de tout poil qui se gargarisent de l’éthique et qui commettent les pires atrocités en se prévalant de Dieu, de lire « Dieu a changé d’adresse » d’Odon Vallet, un livre édifiant dans lequel l’auteur jette un regard très critique sur les métamorphoses du religieux et lance un appel pour un retour à la sagesse, loin des formalismes et des hypocrisies. A propos des dérives en Tunisie, cela me fend le cœur d’entendre dire tout et n’importe quoi au sujet de feu Mohamed Bouazizi et de sa famille, comme si cela ne suffisait pas. Un Bouazizi par qui la révolution est arrivée, et dont on ne parle presque plus, alors qu’il est tout un symbole.
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Je trouve cela regrettable, surtout quand je lis que 30 % des Tunisiens estiment qu’il n’y a pas eu vraiment de révolution en Tunisie et qu’on oppose ironiquement révolution de la brouette (en référence au vendeur ambulant qu’était le regretté Bouazizi), à révolution du jasmin (une dénomination que les Occidentaux ont voulu trop vite coller à ce qui s’est passé en Tunisie ). Notre héros se serait-il immolé pour rien ? Tout cela n’est pas du tout rassurant.
Fort heureusement, il y a cette première place dans le monde arabe et la soixante-sixième à l’échelle planétaire obtenues dans un récent classement des pays les plus démocratiques, pour nous rappeler que la révolution est bien passée par là. Au moins ça, même si on n’en a pas encore fini avec les ciseaux de Dame Anastasie. Pour ceux parmi les lecteurs qui ne le savent pas, je dirais très brièvement que ce nom, qui vient du grec Anastasia et qui signifie résurrection, est devenu le symbole de la censure.