Jean Pisani-Ferry, commissaire général à la stratégie et à la prospective, est lauréat du Grand Prix du communicant public de l’année 2015. Il est également l’auteur de plusieurs ouvrages dont « La crise de l’euro et comment nous en sortir ».
Rencontré lors d’un think-tank organisé par le Centre tunisien des études stratégiques, il a donné sa vision de la démocratie participative, mais aussi des politiques de mobilité . Interview.
Que pensez-vous de la démocratie participative?
Il est très important d’aborder ce sujet sur le moyen terme parce que lorsqu’on parle de démocratie participative, il faut se donner les moyens de faire participer les citoyens qui ne demandent qu’à être consultés, notamment sur les grandes questions économiques, sociales et sociétales en général. Mais c’est aussi l’une des raisons pour lesquelles il faut enrichir le débat sur cette question.
A partir de là, nous essayerons de voir quels sont les objectifs et quelles sont les alternatives. Mais il est d’autant plus important de donner l’accès à l’information et faciliter l’accès à l’expertise sur les questions qui préoccupent la société.
Qu’entendez-vous dire par là? A titre d’exemple?
Il faut distinguer entre réalité sociale et perception de cette réalité. Prenons l’exemple de la France, où nous avons la perception d’un niveau d’inégalité beaucoup plus fort qu’il n’est en réalité. Car les Français ont l’impression que les inégalités ont beaucoup augmenté, alors que la France n’est pas une société où elles ont évolué. En revanche, dans certains pays, elles ont explosé comme aux Etats-Unis, au Royaume Uni et en Chine.
Prenons un autre exemple sur la manière d’évaluer la classe moyenne. Vous allez constater qu’avec la même méthodologie d’évaluation, en comparant avec les autres pays que je viens de citer, la classe moyenne s’est très fortement contractée aux USA, alors qu’en France, elle n’a pas bougé, c’est-à-dire que nous avons la même fraction de classe moyenne.
Qu’en est-il de la croissance?
En France, sur la question de la croissance, les Français ont des avis mitigés. Beaucoup aimeraient qu’il y ait plus de croissance (plus de revenus, plus d’emplois, etc..) alors que d’autres sont inquiets, et notamment des répercussions sur l’environnement. Tandis que certains craignent que la croissance ne bénéficie qu’à la métropole et que les villes moyennes ou les territoires ruraux soient laissés à l’écart. Cependant, comprendre les raisons pour lesquelles la croissance divise est important pour permettre de trouver des réponses adéquates. Il s’agit de savoir comment prendre en charge la qualité de la croissance. Il faut réfléchir plus aux éléments qualitatifs, à la prise en charge des effets sur l’environnement, sur la répartition du revenu et sur les inégalités territoriales.
Qu’en est-il de la migration vers la métropole?
Qui dit migration vers la métropole, dit mobilité , création de progrès, de prospérité. Ce n’est pas un hasard si ces métropoles se développent. Elles sont le lieu d’interaction, d’attractivité, de créativité et elles sont créatrices de prospérité pour l’ensemble du pays. Ce qui est bien, en somme. Mais il faudrait également réfléchir sur la manière dont les villes moyennes pourraient être un lieu attractif, équipées en réseau haut débit, en infrastructure de transport, de loisirs, en l’accès à l’éducation de qualité, etc. Et faire en sorte que les gens veuillent y venir.
Est-ce que les politiques de mobilité peuvent servir de modèles?
Les travaux récents sur la mobilité ont montré que quelqu’un qui a fait des études dans une métropole va travailler dans une entreprise plus productive, plus innovante et sa productivité va augmenter. Mais quand il va repartir, il ne va pas perdre de cette productivité, il va en garder en tout cas une partie, parce qu’il aura appris à évoluer dans un environnement plus moderne, plus efficace, plus productif. Or s’il veut retourner dans sa ville d’origine, il va vouloir transposer cet apprentissage qu’il a acquis dans la métropole. Et ceci est très important parce que cela montre qu’effectivement la mobilité pourrait aider beaucoup.