Dévoilée en 2011, l’Enquête nationale sur la violence à l’égard des femmes en Tunisie, réalisée par l’Office National de la Famille et de la Population (ONFP), demeure « la première enquête menée en Tunisie répondant aux recommandations des Organisations internationales, à savoir l’adoption de protocoles et de définitions permettant l’estimation et la classification de la violence et la comparaison au niveau mondial ».
Notons que l’étude a été menée auprès d’un échantillon représentatif de la population tunisienne, composé de 3873 femmes âgées de 18 à 64 ans
Les statistiques dévoilées par cette étude demeurent d’actualité six ans après. Dans une déclaration faite à une radio privée, la directrice des Affaires de la femme au sein du ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfance, Imène Kalaï, s’est référée aux chiffres alarmants dévoilés par la même étude.
En effet, ces chiffres montrent que le partenaire intime est l’auteur de la violence physique dans 47.2% des cas, de la violence psychologique dans 68.5 % des cas, de la violence sexuelle dans 78.2% des cas et de la violence économique dans 77.9% des cas.
Les membres de la famille sont, quant à eux, désignés comme responsables dans 43.0% des cas pour les violences physiques, 22.1% des cas pour les violences économiques et 16.7% des cas pour les violences psychologiques.
Les violences exercées en dehors de la sphère intime et du cadre familial sont les violences sexuelles dans 21.3% des cas, la violence psychologique dans 14.8% des cas et enfin la violence physique dans 9.8% des cas.
En ce qui concerne les raisons de la violence, les femmes interrogées pointent du doigt :
– les difficultés économiques,
– la jalousie pour les célibataires avec un taux de 67,3%;
– l’absence de raison est déclarée par toutes les femmes.
L’étude a dévoilé qu’il existe une certaine relation entre la violence et l’âge de la victime : « La prévalence de la violence physique et psychologique augmente avec l’âge du partenaire. Par exemple la violence physique passe de 17.7% pour la tranche d’âge 25-39 ans à 24.3% pour la tranche d’âge 60 ans et plus ».
La prévalence de la violence diminue quand le niveau d’éducation du partenaire augmente, indique l’étude : « La prévalence de la violence physique passe de 29.7% pour le partenaire analphabète à 6.4% pour celui ayant le niveau supérieur».
Cependant, la prévalence de la violence physique et psychologique est plus élevée parmi les partenaires à la recherche d’un emploi : « Elle atteint 33.9% pour la violence physique et 46.8% pour la violence psychologique contre respectivement 20.3% et 23.7% pour les partenaires qui travaillent ».
Les effets de la violence sont bel et bien là et le bilan est bien triste car l’étude indique que 45% des femmes ayant subi une violence dénoncent des conséquences physiques, psychologiques et sociales. Au plan physique, 16.2% des femmes violentées déclarent avoir perdu connaissance, 4.6% avoir eu des fractures suite à un acte de violence perpétré par un partenaire.
Au plan psychologique et au plan social, le résultat n’est point enchanteur : « Au plan psychologique, la violence a engendré des difficultés de concentration dans 27% des cas.
Au plan social, 56.4% des femmes victimes de violence ont déclaré que la violence a influé sur leur vie quotidienne. Parmi celles qui travaillent, 2% des femmes victimes de violence déclarent avoir abandonné le travail », indique l’étude.
Plus grave encore, le rapport estime que les femmes interrogées ont normalisé la violence et ont leurs raisons pour ne pas porter plainte ou en parler à qui que ce soit. : « 55% d’entre d’elles déclarent que la violence est un fait ordinaire qui ne mérite pas qu’on en parle. La peur d’aggraver sa situation et la pudeur d’en parler ont été avancées, mais beaucoup moins fréquemment. Les femmes semblent être résignées car elles n’attendent de l’aide de personne dans 73% des cas ».
« Le seul recours qui leur semble possible demeure la famille. Les ONG ne sont citées que par 5.4% des femmes. La police et les structures de santé sont très peu identifiées par les femmes, soit respectivement 3.6% et 2.3% des cas », conclut l’étude.