Les centrales syndicale et patronale se sont enfin mises d’accord sur les critères pour les augmentations salariales et l’accord a été signé hier le 19 janvier au Palais du gouvernement, après une série de rebondissements marqués par les déclarations incendiaires, les grèves générales et le boycott parfois.
Qu’attendent le patronat, les syndicalistes et les économistes après cette signature tant attendue ?
En effet, les regards des chefs d’entreprise et des ouvriers sont braqués sur l’après-signature. Retour au calme, il semble que cet accord réalisé suite à plusieurs rebondissements va nous épargner la tension sociale, les déclarations incendiaires et la dégradation des relations entre employeurs et employés pour une certaine période.
Mouldi Jendoubi, secrétaire général adjoint de l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), chargé de la législation et des litiges estime que la priorité, après avoir la signature de l’accord, c’est d’entamer très prochainement les négociations sectorielles relatives au secteur privé pour 2016 et 2017, et ce, « pour garantir un climat social favorable à la production. Ainsi les travailleurs se focaliseront sur leur travail d’autant plus que le pays a besoin de stabilité », précise-t-il. Interrogé sur ses attentes du dernier accord, Mouldi Jendoubi a espéré le renforcement de la confiance entre les employés et les employeurs et l’amélioration de la productivité : « Quand l’ouvrier constatera que son pouvoir d’achat s’est amélioré, il pourra travailler à son aise. Tout cela dépend de la compréhension et l’entente entre les différents intervenants », conclut-il.
Pour Mohamed Sadok El Bedioui, président de la Chambre syndicale nationale des gérants et propriétaire de stations- service, toute revendication salariale doit s’accompagner d’une nette augmentation de la productivité, et ce, dans toutes les professions « surtout que le pays passe par une période de récession économique ». Revenant sur le cas de son secteur, il a déclaré : « Après tout, nous sommes des prestataires de services et le secteur des services ne peut s’imposer sur le marché que par la qualité du service, le bon accueil du client ». Répondant à notre question sur les retombées de l’accord sur les stations-service, il a indiqué que les produits pétroliers sont des produits dont les prix sont fixés par l’administration, raison pour laquelle les professionnels du domaine ne peuvent pas répercuter l’augmentation salariale sur le prix du produit contrairement aux autres secteurs : « Pour cela nous envisageons de nous adresser à la Direction générale de l’énergie afin que l’augmentation salariale n’empiète pas sur la marge bénéficiaire », fait-il savoir.
Houssem Ben Azzouz, président du Groupement professionnel du tourisme relevant de la Confédération nationale des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect), a indiqué pour sa part que plusieurs entreprises ne pourront pas assumer l’augmentation salariale de 6%, notamment dans un contexte économique marqué par la récession :« Ce n’est pas le bon moment pour annoncer des augmentations salariales dans le domaine du tourisme où les problèmes s’accentuent chaque jour étant donné la crise du secteur», estime-t-il.
Cette prise de position est partagée par Badis Zouiten, PDG de la Société tunisienne d’extraction et de traitement de sable siliceux, a estimé que ce taux ne permettra pas de réaliser des équilibres financiers pour les entreprises en difficulté : « Si on complique les choses pour les entreprises comment voulez-vous qu’elles continuent à recruter ? », s’interroge-t-il et de proposer d’accorder des avantages aux entreprises en difficulté pour une période qui s’étale de 5 à 10 ans. Par ailleurs, Badis Zouiten a indiqué que les entreprises se trouveront obligées d’augmenter les prix de leurs produits afin de faire face à l’augmentation salariale. Cette solution, bien évidemment, n’est pas dans l’intérêt du consommateur », regrette-t-il.
Pour l’économiste Moez Joudi les chefs d’entreprise et les travailleurs sont appelés à redoubler d’efforts. Cependant, les entreprises tunisiennes, notamment les PME, se trouveront face à deux défis. Le premier est relatif à la liquidité pour financer les augmentations salariales tout en rappelant que les banques n’accordent pas de prêts aux entreprises qui ont de nouvelles charges mais accordent des prêts pour l’investissement. Pour ce qui est du deuxième défi, il s’agit de la compétitivité surtout qu’elles ont perdu plusieurs marchés.