Nabil Abdellatif, président d’honneur de l’Ordre des experts comptables de Tunisie , est revenu sur les répercussions des augmentations salariales, dont l’accord a récemment été signé entre l’UGTT et l’UTICA, sur les entreprises.
Nabil Abdellatif affirme que si l’augmentation salariale n’est pas accompagnée d’une augmentation de la production, cela se transforme en une source d’inflation, comme ce fut le cas en 2011. Par contre, si l’inflation est maitrisée, l’augmentation devient bénéfique car elle contribuera à l’amélioration du pouvoir d’achat et augmentera la consommation estime-t-il.
Revenant sur la situation actuelle, Nabil Abdellatif a indiqué que le pays passe par une période de sous-production et que les TPE et PME souffrent de problèmes de financement, notamment du financement de l’exploitation (besoin en fonds de roulement), et surtout de ravitaillement en matière première.
Dans le même contexte, notre interlocuteur a indiqué que beaucoup d’importance a été accordée à ces négociations sociales, parce qu’il s’agit de la dernière année où la convention générale sera négociée, car à partir de l’année prochaine les négociations se feront d’une façon sectorielle.
Répondant à notre question sur les répercussions des augmentations salariales sur les entreprises, il a estimé que tout dépend des entreprises. En effet, certaines entreprises peuvent augmenter au-delà de 6% alors que pour d’autres le taux touche leurs marges bénéficiaires. « Les PME et TPE dont la marge de bénéfices est faible se trouveront obligées d’augmenter les prix, ce qui touchera le pouvoir d’achat du consommateur », regrette-t-il.
Par ailleurs, il a indiqué que l’impact des augmentations sera plus important sur les entreprises ayant une forte masse salariale, et cela se répercutera sur la prestation qu’elles assurent. Ainsi, « les entreprises exportatrices ne devraient être très impactées, contrairement à celles des secteurs textile et touristique », estime-t-il.
Commentant le taux d’augmentation global de 6%, le spécialiste a indiqué que « ce taux correspond plus ou moins au taux d’inflation qui était le premier paramètre, lors des négociations sociales. En Tunisie, on ne traite pas le taux d’inflation par région, sachant que le taux d’inflation dans les régions de l’intérieur est moins important que celui des autres villes ». Et d’ajouter « c’est un grand problème lors du calcul du taux d’inflation, parce que le panier ménager est différent d’une ville à l’autre. Il est temps de considérer le taux d’inflation par région », recommande-t-il.
Nabil Abdellatif a rappelé qu’il a été prévu d’instaurer le Conseil du dialogue social, « malheureusement au lieu d’être adopté par une loi, il a été intégré à une charte. J’insiste sur le fait que le dialogue social ne soit pas uniquement composé de l’UTICA et de l’UGTT. La société civile, les avocats et les experts comptables doivent être représentés ».
Justifiant ce point de vue, il a indiqué que les professions libérales sont concernées par le dialogue social étant donné qu’elles regroupent plus de 78 mille cabinets, qui malheureusement ne bénéficient même pas de conventions collectives. « En absence de ce conseil, le dialogue social en Tunisie s’est transformé exclusivement en négociations salariales et le jour où le Conseil sera instauré, les augmentations seront liées à la productivité. « Avec cette composition, le dialogue social demandera l’augmentation de productivité de l’ouvrier, la révision du code de travail et les contrats de travail et le principe de performance, tout en prenant en considération les motivations », explique-t-il.