Malgré les performances de l’agriculture tunisienne, les réformes voire une vraie politique agricole peinent à être mises en place, déclare Leith Ben Becher, président du Syndicat des agriculteurs de Tunisie (Synagri), au cours d’une présentation lors d’une conférence qu’il a donnée sur l’Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) tenue par le cercle Kheiridine aujourd’hui, 23 janvier, au siège de l’UTICA.
Participant à hauteur de 11% du PIB et 3 % de croissance pendant les vingt dernières années, le secteur agricole emploie 18% d’ouvriers. Tels sont les indicateurs présentés par le président du Syndicat des agriculteurs de Tunisie (Synagri).
Malgré tous ces indices : « Nous sommes loin d’avoir stabilisé notre production en grandes cultures, en oléiculture, et en production animale de façon à sécuriser les revenus des agriculteurs et à garantir une sécurité alimentaire durable », regrette-t-il. Il a pointé du doigt les techniques basées sur une mécanisation importante, l’utilisation systématique des pesticides, la surexploitation des terres qui « ne nous ont pas apporté une réelle autosuffisance dans les productions pourtant déclarées stratégiques, comme les céréales, la viande et même le lait fortement dépendant des importations (Maïs et Soja). Ce qui dénote de l’absence d’une politique agricole.
Cela n’a pas empêché que certains agriculteurs ont adopté l’agriculture de la conservation (séquestration de carbone) et d’autres ont opté pour tout ce qui est bio. Se voulant précis et bref, Leith Ben Becher a cité les problèmes de l’agriculture : libéralisation des échanges et volatilité des prix, fragilité des ressources naturelles, notamment l’eau et le sol dans un contexte de risques climatiques.
Ainsi pour Leith Ben Becher, l’objectif devrait être de concevoir une politique agricole se fixant comme stratégie de produire durablement pour nourrir les hommes, rationaliser l’agriculture pour préserver les ressources et réduire les inégalités génératrices d’injustice et de tension. Expliquant les enjeux de l’agriculture tunisienne, Leith Ben Becher a estimé que plusieurs enjeux sont à relever à l’instar de la révision du modèle de développement adopté, « trop dispendieux et pas assez efficace » selon ses dires, et de la sécurité des approvisionnements.
Concernant les enjeux du développement durable, l’amélioration des revenus des agriculteurs et la préservation des ressources en eau et en sol sont des conditions sine qua non d’une politique agricole réfléchie.
Évoquant l’application de l’Aleca à l’agriculture, Leith Ben Becher s’est posé la question de savoir si l’Aleca est un catalyseur ou révélateur de carences de notre système d’agriculture. En effet, il a considéré que signer l’Aleca sans vision prospective et sans outils quantitatifs (la dernière enquête date de 2005), sans diagnostic partagé, sans politique agricole qui se fait dans le cadre de la concertation risque d’avoir des répercussions négatives : « compromettre les capacités de résilience des agriculteurs tunisiens au niveau du système de production et aggraver le dualisme agraire : « Agriculture extravertie/ agriculture de subsistance » d’après lui.
Mais quel préalable avant l’Aleca ? A cette question le spécialiste a estimé que l’ étude d’impact doit se faire pour mesurer les risques. Dans ce sens, il a recommandé l’adoption d’un véritable partenariat stratégique qui consiste dans le développement de la recherche, le renforcement des capacités des organisations paysannes à tirer avantage des expériences de l’intégration des diverses agricultures européennes et notamment celle de PECO « pour qu’Agriculture ne rime plus avec pauvreté », indique-t-il.