Dans un contexte transitionnel marqué par une fragilisation des institutions financières exigeant des réformes institutionnelles et structurelles, le gouvernement planche, depuis octobre 2015, sur un projet de loi portant sur le nouveau statut de la Banque centrale de Tunisie (BCT), ayant pour objectif de renforcer son indépendance et d’étendre son champ d’intervention au-delà des aspects monétaires au système financier dans son intégralité.
Dans sa totalité, «ce projet de loi se caractérise par la continuité des réformes entamées depuis 1958 et la complexité des textes existants d’une part, l’absence d’une amélioration fédératrice et consultative plus élargie, d’autre part», a affirmé Ali Chebbi, universitaire et expert en économie lors d’une conférence de presse organisée, ce matin, par l’Ordre des Ingénieurs Tunisiens en partenariat avec l’Association des Tunisiens diplômés des universités allemandes.
Ce projet s’articule sur 100 articles dont un tiers est consacré directement ou indirectement à la question de l’indépendance de la BCT et deux tiers consacrés aux procédures techniques et à la gouvernance.
Selon l’ancien statut de la BCT daté de 2006, les missions de la BCT se limitent à la maîtrise de l’inflation et du taux de change et la contribution à la stabilisation financière. Ces missions doivent, selon, M. Chebbi être explicitées.
Ce qui a exigé l’intégration dans le nouveau statut d’une nouvelle mission, celle de la fixation des politiques monétaire et de change. Ce qui impose un changement radical du régime adopté pour que la BCT se charge de la gestion des réserves de change nécessitant une explicitation du système de paiement et la mise en place de nouveaux mécanismes.
En comparaison de l’ancien statut de la BCT 2006, Ali Chebbi a estimé que dans le nouveau statut, la BCT aura, pour mission la stabilisation monétaire seulement contre une mission de stabilisation monétaire et financière à la fois, adoptée auparavant, contrairement à l’ancien statut qui exige la nomination par le président de la République. Idem pour la question de redevabilité.
Au plan de la nomination du Gouverneur de la BCT, le nouveau projet révèle que cette nomination sera proposée par le Chef du gouvernement et doit être confirmée par le Parlement.
S’agissant de l’étendue des compétences, le nouveau statut exige la création d’une instance de suppression prudentielle macroéconomique, d’un régime de change et d’une instance du marché financier. Ce qui n’a pas été mis en place dans l’ancien statut.
Au niveau de l’indépendance de la BCT, elle sera de jure et facto à la fois, basée essentiellement sur l’indépendance des instances institutionnelles, contre une indépendance de jure seulement adoptée auparavant.
L’indépendance est-elle un gage pour une meilleure conduite de la politique monétaire?
Ali Chebbi a précisé que l’indépendance de la BCT dépend de son efficacité, sa crédibilité et l’annonce au pouvoir de ses objectifs.
Néanmoins, l’efficacité en Tunisie est soumise à des facteurs dépassant le champ d’exercice de la BCT. Or, la politique monétaire est, selon ses propos, discrétionnaire parce que le nouveau statut n’intègre pas la dimension relative à l’annonce des objectifs a priori. D’où un problème potentiel de redevabilité, de transparence et de responsabilisation qui s’impose.
Pour faire face à ce genre de problème, l’expert a estimé que le statut de l’indépendance ou de non indépendance de la BCT devrait être autour de l’efficacité de la politique monétaire et ses canaux, le rendement interne de la banque, les réformes structurelles de modernisation du système financier, et en cohésion avec les institutions et la stratégie de développement du pays.
En effet, M. Chebbi a préconisé d’accompagner le projet de loi du nouveau statut de la BCT par un projet de réformes stratégiques le justifiant, relativiser l’étendue de l’indépendance prônée et entamer le passage au ciblage de l’inflation pour gagner en transparence, crédibilité et gouvernance externe.
Il a, également, recommandé d’institutionnaliser la coordination entre le gouvernement et la BCT par la création d’une instance indépendante de pilotage des politiques macro-économiques, en violation de l’instance de suppression des portefeuilles macroéconomiques au profit d’une autre instance indépendante.
Dans le même sillage, Ali Chebbi n’a pas manqué d’appeler à améliorer la dimension gouvernance en élargissant le conseil d’administration, à développer un mécanisme de contrôle a priori, ainsi qu’à renforcer les mécanismes de redevabilité et de responsabilisation de la BCT au détriment de son champ d’exercice…