« Le cadre juridique relatif à la liberté de l’information sur Internet reste largement lacunaire et délibérément flou« , telle est la principale conclusion d’une étude intitulée « Enjeux et défis autour du droit d’informer sur internet en Tunisie« , réalisée en août 2015 par Salwa Hamrouni, maître de conférences agrégée en droit public à l’Université de Carthage, pour Reporters sans frontières (RSF).
A l’occasion de la publication de cette étude, une délégation de RSF s’est entretenue le 2 février avec Noomane FEHRI, ministre des Technologies de la communication et de l’Economie numérique. RSF Tunis a émis ses recommandations pour améliorer la protection des cyber-journalistes.
“Le ministre a été attentif aux requêtes de notre organisation et a promis de prendre en compte nos principales recommandations, déclare Yasmine Kacha, responsable du bureau Afrique du Nord de RSF, à la suite de l’entretien. L’émergence récente de nombreux médias tunisiens en ligne rend leur protection essentielle et nous appelons le gouvernement tunisien à faire de cette question une de ses priorités”.
Parmi les propositions importantes soutenues par RSF figurent, notamment, l’introduction du principe du droit à l’information dans le prochain Code du numérique, la révision de l’article 86 du Code des télécommunications pour que les journalistes s’exprimant sur Internet ne risquent plus de poursuites pénales, et la modification de l’article 11 du décret n°2014-4773 du 26 décembre 2014 soumettant les fournisseurs d’accès à l’internet au seul contrôle du pouvoir judiciaire. L’organisation a en outre préconisé le renforcement du rôle de l’Instance Nationale des Télécommunications (INT), considérant que celle-ci devrait être le seul interlocuteur des journalistes.
Principales recommandations de l’étude :
1.Réviser le Code pénal de manière à abolir les délits d’opinion et immuniser les activités journalistiques contre les poursuites judiciaires.
2. Réviser l’article 86 du Code des télécommunications pour préciser les définitions, revoir les formulations vagues, imprécises et susceptibles d’interprétations larges et pour supprimer définitivement les peines privatives de liberté pour
les acteurs de l’Internet.
3. Modifier l’article 11 du décret n°2014-4773 du 26 décembre 2014 qui soumet les fournisseurs d’accès à internet au seul contrôle du pouvoir judiciaire.
4. Faire en sorte que le Code du numérique n’ait pas seulement un caractère technique, en y introduisant les principes de la liberté de l’information et le respect des autres droits humains dans le monde numérique. Il est par ailleurs nécessaire d’y clarifier le rôle de chacune des instances techniques citées plus haut par rapport aux acteurs de l’internet.
5. Permettre à l’Instance Nationale des Télécommunications (INT), autorité administrative indépendante, de superviser les autres instances afin d’éviter la fragmentation des règles relatives aux télécommunications et de limiter les vis-à-vis des acteurs de l’information sur Internet.
6.Ratifier la Convention de Budapest relative à la cybercriminalité garantissant les droits humains et spécifiquement la liberté de l’information dans un cadre de lutte contre la cybercriminalité.
7.Veiller à ce que la loi relative à l’accès à l’information soit conforme à la Constitution du 27 janvier 2011, en ne permettant pas de restrictions à l’accès à internet si celles-ci respectent les règles de la nécessité et de la proportionnalité.
8.Sensibiliser les juges à la nécessité d’appliquer les droits humains garantis par les conventions internationales ratifiées par la Tunisie et les inciter à s’inspirer des observations du comité des droits de l’Homme, notamment pour ce qui est de l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
9. Adopter une approche multi-acteurs en impliquant réellement la société civile