Cinq ans après le 14 janvier 2011, la Tunisie s’est trouvée dans une phase de déclin aussi bien sur le plan économique que social. Quel bilan peut-on dresser en termes de croissance, ou encore de stabilité sociale? C’est en partie les quelques sujets évoqués par Hassen Zargouni, expert auprès de l’Union européenne et Consultant à la Banque mondiale. Interview :
leconomistemaghrebin : Selon le sondage de Sigma Conseil, nous avons atteint 0.8% de croissance en 2015. Que pensez-vous de ce taux de croissance ?
Hassen Zargouni : C’est un chiffre assez bas pour l’année 2015 car pour pouvoir créer de la richesse, il faut d’abord créer des postes d’emploi en nombre suffisant et on est loin du compte. Même si la Tunisie conserve sa position grâce à la production d’huile et la récolte des dattes.
Qu’en est-il des grèves, en termes de stabilité sociale?
Il y a eu moins de grèves en 2015. Ce qui se passe en ce moment, n’ayant pas créé de la richesse, les régions les moins favorisées pâtissent malheureusement de la mollesse de l’économie, mais aussi du manque d’investissement global. Cela dit, les régions intérieures et les quartiers populaires qui sont, en revanche, les plus touchés, contrairement aux grandes villes comme Tunis, ou Sfax. Or cette situation perdure malheureusement. Par ailleurs, avec le manque de vitalité de l’économie, il y a d’autres problèmes structurels comme l’administration tunisienne qui est assez sclérosée.
Selon vos sondages, les Tunisiens estiment que la corruption a bel et bien augmenté ? Qu’en pensez-vous ?
Il est vrai que 42% des Tunisiens disent que la corruption a empiré après le 14 janvier 2011, contrairement à l’avant-janvier 2011. Cependant, je pense que les deux grands chantiers de 2016 sont la lutte contre la corruption et la modernisation de l’administration publique, très bureaucratisée depuis 60 ans.
Nous avons également un réel problème de disparité régionale …
Il est clair que les régions intérieures souffrent et continuent de souffrir. Mais ce qu’il faut voir c’est que l’indice de développement humain au niveau régional dans les gouvernorats les plus défavorisés est de l’ordre de 0.20, à Jendouba et à Kasserine tandis qu’à Tunis, il est de 0.70. Cette disparité régionale, à l’évidence, remonte à la colonisation.
Vous la décrivez comment l’année 2016?
L’année 2016 sera une année difficile sur le plan social. Comme dit l’adage : « Quand il tonne en janvier, il tonne tous les mois de l’année. » C’est la raison pour laquelle, c’est au gouvernement de transmettre un signal fort pour s’attaquer à ces deux grands fléaux, en l’occurrence la sclérose de l’administration, mais aussi la corruption grande ou petite.
– En définitive, êtes-vous pessimiste, optimiste ou réaliste quant à l’avenir de notre pays ?
Je dis toujours que le pessimisme est d’humeur, mais l’optimisme est de volonté. Il faut qu’on décide d’être optimiste et qu’on décide par nous-mêmes que les choses doivent changer aussi bien collectivement qu’individuellement. Il faut que les Tunisiens changent leur état d’esprit et qu’ils ne se limitent pas à espérer, mais cela revient aux Tunisiens de changer.