En Tunisie, la situation politique est loin de connaître un moment de répit. Entre la crise que connaît Nidaa Tounes, qui, à son tour, se positionne au deuxième rang après le mouvement Ennahdha, représenté actuellement par 69 députés au Parlement, ou encore les mouvements de protestations sociales qui ont secoué l’ensemble du territoire récemment, rien n’est clair pour une bonne partie de Tunisiens, qui voient d’un mauvais œil la scène politique. Pour mieux cerner le paysage politique, Riadh Siaoui, politologue, nous dresse un bilan.
« Ce qui se passe en Tunisie, c’est normal par rapport au système politique tunisien », a-t-il affirmé, en poursuivant : “ Parce que nous nous trouvons dans la continuation du système parlementaire. En fait, les prérogatives du Président de la République concernent les affaires étrangères et la défense. Pour le reste, c’est le Chef du gouvernement, le gouvernement et le parlement.
Il ajoute : « On n’a pas un parti qui bénéficie d’une majorité absolue afin de former à lui seul le gouvernement. Contrairement à la Turquie, quand Erdogan a perdu les élections et en a organisé de nouvelles, anticipées, afin d’avoir cette majorité, car il ne pouvait gouverner dans une coalition. Pour la Tunisie, c’est différent ».
Et de poursuivre: “ Aucun parti n’a pu avoir la majorité absolue lors des élections législatives. Ce qui fait, nous sommes passés par une coalition, c’était la troïka avant, à présent nous avons quatre partis au pouvoir. Et les coalitions tombent facilement comme elles se composent, comme la crise de Nidaa Tounes. Et voilà que le mouvement Ennahdha devient le premier parti politique au Parlement. Cependant, on est face à une composition parlementaire qui est fragile, beaucoup d’agitation au sein de la formation du gouvernement. En somme, la situation est chaotique sur tous les plans économique, social et politique.
Il ajoute: “Malheureusement, j’étais parmi les premiers à avertir les élites politiques, en tant que politologue, depuis le déclenchement de la révolution. J’ai dit que la révolution tunisienne est une révolution sociale faite par des mouvements sociaux et non par les partis politiques. Les slogans scandés le prouvent : liberté, emploi, et dignité. Il faut convertir ces slogans en des actions et des réalisations sociales et économiques. La Tunisie doit adopter une démocratie sociale, comme ce fut le cas en Europe de l’Ouest. Quand on parle de démocratie sociale, on parle de l’existence de l’Etat providence. Les citoyens ont un double contrat avec l’Etat, un contrat politique lors des élections mais surtout un contrat social : le citoyen se dit : « L’ Etat est tenu de me protéger ; si je n’ai pas de travail, il doit me fournir une allocation chômage, un logement, de la nourriture, un petit revenu, du transport… ».
Et de conclure : « C’est par le biais de l’impôt que l’Etat providence peut exister. Prenons l’exemple de l’ Europe : en France, quand François Hollande a gagné les élections, il a imposé à ceux qui ont un revenu supérieur à un million d’euros de payer 75% de leurs revenus en impôts. Parce que via les impôts, on fait la redistribution de la richesse, on achète la paix sociale. Grâce à l’Etat providence, la paix sociale a été achetée via les impôts”