Un mercredi 6 février 2013 , la Tunisie s’est réveillée sur l’assassinat d’un homme politique : Chokri Belaïd, avocat et fondateur du Mouvement des patriotes démocrates, une figure de l’opposition, qui a été sauvagement assassinée alors qu’il quittait son domicile.
Qui est Chokri Belaïd ?
Chokri Belaïd est l’un des leaders du Front Populaire. Il a longtemps milité sous la dictature de Ben Ali pour les droits de l’Homme qu’il a défendus farouchement comme il a défendu la cause des travailleurs du bassin minier de Gafsa en 2008. Il a longtemps été persécuté sous Ben Ali, pour avoir soutenu la cause des islamistes.
Tout juste après la révolution, le militant de la mouvance sociale a largement critiqué le gouvernement d’Essebssi lors du processus de transition démocratique, mais aussi le gouvernement Hamadi Jebali, en particulier le ministre de l’Intérieur Ali Laâreyedh, suite aux affrontements avec les forces de l’ordre dans les villes de Siliana, Kasserine et Sidi Bouzid.
Face à cette crise, la Tunisie s’est immergée dans le chaos. Chokri Belaïd avait condamné ces actes de violence en accusant directement Ali Laâreyedh.
Par ailleurs, un autre événement a marqué la Tunisie. Il s’agit de la commémoration de l’assassinat du leader Farhat Hached le mardi 4 décembre 2012, quand des affrontements ont eu lieu entre les ligues de protection de la révolution, les fameux LPR et les syndicalistes. Chokri Belaïd a demandé leur dissolution, en déclarant : « Ils sont une menace et un réel danger pour les Tunisiens ».
La veille de sa mort, le mardi 5 février 2013, le leader du Front Populaire était l’invité de la chaîne de Nessma. Il a révélé que la Tunisie pourrait connaître des assassinats politiques, et que le parti au pouvoir, particulièrement le mouvement Ennahda, a donné son feu vert à l’exécution de personnalités politiques.
Le 6 février 2013, à 8 heures du matin, en sortant de son domicile situé à El Menzah 6 (Tunis), Chokri Bel Aid a déposé sa valise sur la banquette arrière. Son camarade l’attendait en voiture afin de l’emmener à une réunion du Front Populaire. Au moment où il s’est installé du côté du passager, un inconnu s’est approché de lui et a tiré à bout portant.
Un premier assassinat politique, deux ans après le 14 janvier
Pour reconstituer les éléments de l’enquête, l’avocate Leila Ben Debba, dans une déclaration à la télé, à cette époque, avait précisé que le rapport du médecin-légiste révèle que Chokri Belaïd a été atteint d’une balle au niveau de la mâchoire supérieure, une autre au niveau de la mâchoire inférieure et une autre au niveau du côté gauche de la poitrine. Une quatrième ayant traversé l’index de la main gauche et une dernière au niveau de l’épaule gauche. Cinq douilles ont été retrouvées à 70 cm de la portière droite de la voiture. Elle a déclaré : “ Le calibre était de 9mm et l’arme pourrait par conséquent appartenir au ministère de l’Intérieur ».
A qui profite le crime ?
Plusieurs scénarios de son assassinat restent possibles : les amis proches de Chokri Belaïd pointent du doigt le mouvement Ennahdha qui en serait, selon eux, en partie responsable. Tandis que d’autres, évoquent une main étrangère qui est derrière ce crime. Alors que pour d’autres, ils évoquent même le scénario algérien qui est en train de se répéter.
Février 2016 : où en est l’affaire Chokri Belaïd ?
Juridiquement, l’affaire Chokri Belaïd est devant la Cour de cassation. Le prochain procès aura lieu le 15 mars 2016 : c’est ce qu’a affirmé l’un des avocats du comité de la défense du dossier Chokri Belaïd.
Cela dit, les pièces du puzzle sont loin d’être reconstitués. Voilà qu’il y a deux jours, Nizar Snoussi, l’un des avocats du comité de défense du dossier avait signalé, dans une déclaration sur la chaîne Wataniya 1, que « la voiture utilisée pour le meurtre a disparu ». Mais Beaucoup d’interrogations restent sans réponse. Un autre avocat de la défense, Me Ali Kalthoum, a déclaré: “Quelques témoins ont été entendus auprès du juge d’instruction. Nous avons demandé que des chefs d’accusation soient rajoutés contre des leaders du mouvement Ennhadha, notamment les anciens ministres de l’Intérieur Ali Laarayedh et Lotfi Ben Jeddou ainsi que certains anciens directeurs du ministère de l’Intérieur, afin qu’ils soient également entendus”.
Il est à noter que le Watad et le Front populaire lancent un appel au gouvernement à ce que le 6 février soit la journée nationale de lutte contre le terrorisme et les assassinats d’hommes politiques.
La Tunisie commémore le troisième anniversaire de la mort de Chokri Belaïd
A la mémoire de Chokri Belaïd, le patriote engagé. En ce samedi 6 février, la journée sera sous le signe des hommages et des souvenirs sous le thème “ Non à l’oubli”. Un programme des commémorations a été mis en place par le Front populaire.
Voici les détails du programme :
Samedi 6 février 2016 :
9h-11h : Rassemblement sur le lieu de l’assassinat de Choki Belaïd (Menzah 6);
11h30-13h : Inauguration de la place Chokri Belaïd, devant le pôle technologique de la cité El-Ghazela (Ariana);
14h-18h : Conférence-débat à l’hôtel Africa au centre-ville de Tunis;
18h-19h : Veillée aux bougies devant le Théâtre municipal de Tunis, à l’avenue Habib Bourguiba.
Dimanche 7 février 2016 :
10h-12h : Rassemblement au cimetière d’El-Jallez, où est inhumé le martyr, suivi d’une marche à l’Avenue Bourguiba au slogan «Qui a tué Chokri?»;
14h-20h : Rassemblement à l’avenue Habib Bourguiba : programme culturel, concerts, animations pour enfants.
Lundi 8 février 2016 :
10h-13h : Rassemblement au cimetière d’El-Jallez des membres de la famille de Chokri Belaïd, des secrétaires généraux des partis formant le FP, des députés et militants du FP, des personnalités publiques, des activistes de la société civile et des invités étrangers.