Le pays s’enfonce depuis des mois dans une véritable récession. Le premier à sentir la gravité de la crise économique et à en payer le prix a été et le sera toujours le simple citoyen, le noyau dur de la classe moyenne, si elle existe encore !
En Tunisie, la flambée des prix a manifestement miné la classe moyenne. Selon une récente étude, les prix de plusieurs produits ont augmenté cinq fois entre 2010 et 2015. Conséquence : les indigents et les sans-emploi sont de plus en plus nombreux dans les grandes villes comme dans les régions intérieures. La situation risque de s’aggraver à l’avenir.
Dans tous les domaines ou presque, le décalage entre les prix et le pouvoir d’achat se fait de plus en plus sentir. En Tunisie, aborder la question des prix renvoie généralement à la capacité des Tunisiens, notamment ceux appartenant à la classe moyenne, à s’approvisionner en produits de première nécessité.
Ce ne sont pas seulement les produits de première nécessité, essentiellement les produits agroalimentaires, qui intéressent les Tunisiens. L’écart entre la classe moyenne et les « Smigards », qui n’était pas perceptible avant 2010, a aujourd’hui presque disparu.
Avec la montée des demandes croissantes et des revendications sans fin pour une vie décente et digne, les Tunisiens exigent, à tout prix, d’accéder à de bons services sanitaires, à une éducation de qualité, à un logement décent, à des moyens de détente de qualité… Et ce d’autant plus qu’aujourd’hui la voiture, pour ne citer que ce symbole de statut social, n’est plus considérée un luxe en Tunisie.
Le privé au détriment du public
Toutefois, l’accès à ces services, devenus aussi de première nécessité, n’est pas aisé, loin s’en faut. Même pour ceux qui perçoivent de bons salaires. Avec la dégradation des services publics comme la santé, l’éducation et le transport, plusieurs Tunisiens se trouvent dans l’obligation de recourir aux privés, là où tous les dépassements sont possibles, surtout avec l’absence d’institutions et d’organismes bien outillés pour préserver les intérêts des consommateurs.
A titre d’exemple, les cliniques privées pratiquent des prix jugés par certains surréalistes et donc loin d’être à la portée de tous. Deuxième exemple : la qualité de l’enseignement dans les établissements publics s’est, au fil des années, beaucoup dégradée. Cela a obligé des milliers de familles tunisiennes à sacrifier une partie de leurs revenus pour assurer une bonne éducation à leurs enfants. En effet, les établissements d’enseignement privés offrent des études de qualité mais à quel prix ? Quant à la flambée des prix des terres destinées au bâtiment, des équipements et de la main-d’œuvre, elle oblige un grand nombre de Tunisiens à se contenter de louer un logement plutôt que de penser à l’acquérir. Il va sans dire que pour certains Tunisiens cette spirale infernale a engendré le surendettement, puisque un crédit à la consommation en appelle un autre et ce à l’infini. En effet, selon des chiffres publiés en 2014, environ 25% du volume des crédits accordés par les banques sont destinés à la consommation des ménages.
Mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt : la situation ne se résume pas dans la capacité d’acheter les produits de première nécessité ou de l’augmentation de leurs prix ou pas. Il s’agit plutôt de se rendre compte qu’il y a péril en la demeure, en ce sens qu’à ce rythme, l’effondrement à court terme de la classe moyenne est à craindre. Car rien n’indique aujourd’hui que les pouvoirs publics sont en capacité d’inverser la tendance et de faire en sorte qu’avec les besoins qui ne cessent de se multiplier, les prix soient mieux maîtrisés afin de préserver cette classe moyenne longtemps considérée comme un garant de la stabilité socio-économique.