Un geste présidentiel est venu « troubler » la campagne des primaires américaines. Arrivé au terme de son second mandat, Barack Obama s’est rendu dans une mosquée du Maryland. Il s’agit d’un événement politique remarquable au regard du climat antimusulman déjà prégnant aux Etats-Unis depuis l’attaque du 11 septembre 2001, mais accru depuis la montée en puissance de Daech dans le monde et la fusillade à San Bernardino perpétrée le 2 décembre dernier par un couple radicalisé.
Lors de ce passage remarqué, le président Obama a condamné les propos politiques « inexcusables contre les musulmans américains » prononcés ces dernières semaines, notamment dans le cadre de la campagne pour l’élection présidentielle. Il a également rejeté la thèse du « clash de civilisation entre l’Occident et l’islam » et « les amalgames entre les actes horribles de terrorisme et une religion dans son ensemble ».
Des propos forts qui s’inscrivent dans un contexte de tension. L’année 2015 a enregistré un record de violences islamophobes (71 actes recensés contre 20 à 30 les années précédentes), estime le Council on American Islamic Relations (CAIR). De son côté, le candidat républicain Donald Trump a exigé « l’arrêt total et complet de l’entrée des musulmans aux Etats-Unis ». Après les attentats du 13 novembre en France, il avait déjà créé la sensation en évoquant la fermeture de mosquées et le fichage des musulmans. Autre épisode marquant, en septembre dernier, il avait laissé intervenir l’un de ses supporteurs du New Hampshire, durant une réunion électorale, pour affirmer que les Etats-Unis avaient « un problème avec les musulmans » et que M. Obama était de confession musulmane. D’autres candidats républicains s’étaient par ailleurs inquiétés de l’arrivée de « terroristes » parmi les quelques milliers de réfugiés syriens accueillis dans le pays… de la liberté.
Il y a près de 2,7 millions de musulmans aux Etats-Unis, soit une minorité représentant moins d’1 % de la population nationale. Pourtant la paranoïa gagne les esprits, les Américains démultipliant la présence musulmane. Celle-ci est assimilée à une menace omniprésente. Même Barack Obama reste un musulman dans l’esprit de nombre de ses concitoyens : 29 % des Américains en sont convaincus selon un sondage pour CNN de septembre 2015, alors que M. Obama s’est toujours affiché comme chrétien-protestant.
La question musulmane aux Etats-Unis revêt aussi une dimension internationale. Elle est en lien avec la politique étrangère américaine dans le monde musulman. En 2008, l’élection de Barack Obama à la Maison-Blanche devait inaugurer une nouvelle ère dans les représentations mutuelles, pour tourner la page du 11-septembre. Le retrait des troupes américaines d’Irak est acté et le « discours du Caire » (en juin 2009) rompt avec la rhétorique des néo-conservateurs sur les « croisades » contre l’ « islamo-fascisme » en faveur d’une politique de « main tendue » en direction du monde musulman. Le discours du Caire est conforté par celui prononcé au début du second mandat (mai 2013) devant la National Defense University. Selon le président américain, la « guerre mondiale contre le terrorisme », héritée de l’administration Bush-Cheney, devait « comme toutes les guerres (…) prendre fin ». Pourtant, au-delà des belles paroles, le camp de Guantanamo n’a pas été fermé et les frappes menées par des drones au Pakistan se sont multipliées, causant la mort de civils, victimes qui s’ajoutent aux « victimes collatérales » en Irak et en Afghanistan.
Le dossier israélo-palestinien reflète cette ambigüité. La première partie de son premier mandat est marquée par la volonté (du président-Prix Nobel de la Paix) de relancer les négociations israélo-palestiniennes. L’échec de cette entreprise et l’incapacité à faire cesser la politique de colonisation israélienne ont mis à mal la crédibilité de ce nouveau « contrat de confiance ». Les discours et les gestes symboliques sont importants, mais ne suffisent pas en politique intern(ational)e.