Depuis sa création, le 13 septembre 2011, la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) a opté pour trois modes d’intervention dans le cadre du soutien de l’économie tunisienne. Il s’agit d’intervenir à long terme via des opérations d’investissement indirectes, directes et des lignes de crédit lancées avec des bailleurs de fonds étrangers. Pour plus de détails, leconomistemaghrebin.com a donné la parole à Tarak Triki, coordinateur au pôle métier au sein de la CDC. Interview.
leconomistemaghrebin.com : La CDC intervient-elle par un levier financier d’opérations d’investissement indirectes ?
Tarak Triki : La CDC finance généralement à hauteur de 20% les fonds d’investissement pour qu’ils puissent financer à leur tour l’économie nationale. Ce qui nous permet d’amplifier notre levier financier et la portée de notre intervention à long terme.
Ainsi la CDC a financé entre 2013 et 2015, quatre autres fonds ont été créés sous forme de FCPR Classiques, à savoir le fonds «Max Espoir» de 16 MDT, le fonds «Swing» de 25 MDT, «Phenecia Fund» d’une taille de plus de 5 MDT et le fonds «Amen Capital 3» de plus de 16 MDT
Quand la stratégie du fonds à créer se rapproche particulièrement de la nôtre ou qu’on est appelé à agir comme acteur contra-cyclique, on peut opter pour des leviers moins importants :
Ainsi la CDC a financé à hauteur de 100% deux fonds de développement régional. Le premier fonds de 35 millions de dinars (MDT) et le second de 50 MDT.
On a également financé à hauteur de 50% le fonds d’investissement «Theemar» géré par UGFS d’une taille de 20 MDT.
On a, de même, financé récemment un nouveau fonds afin de faciliter aux Tunisiens l’accès aux marchés étrangers et de booster les IDE : Il s’agit du Fonds de colocalisation franco-tunisien (FCFT), en partenariat avec l’investisseur institutionnel public français Bpifrance , cogéré par AfricInvest et Siparex.
Ce fonds, disposant de 20 millions d’euros et ayant une durée de vie de 10 ans, s’inscrit dans un objectif de développement des relations économiques franco-tunisiennes à travers le financement des PME tunisiennes et françaises à fort potentiel de croissance, susceptibles de développer leurs activités dans les deux pays. Il ciblera en priorité les PME performantes, animées par des dirigeants ayant une approche innovante dans leurs segments d’activité respectifs, recherchant des capitaux et un accompagnement international concret. Les entreprises françaises et tunisiennes, dans lesquelles le fonds investira, devront également démontrer une capacité à développer ou à renforcer des liens avec des partenaires tunisiens et français.
Pour revenir au FCFT, il interviendra dans le cadre d’une démarche entrepreneuriale d’investisseur engagé et stable au sein des entreprises, dans une perspective de création de valeur sur un horizon de moyen et long termes. Il a pour ambition de favoriser l’intégration régionale à travers des partenariats industriels, technologiques et commerciaux équilibrés et pérennes entre les deux pays.
Les secteurs privilégiés pour les investissements seront les technologies de l’information et de la communication, la santé, l’industrie pharmaceutique, l’éducation, les industries agroalimentaires, les industries manufacturières, mécaniques et électroniques, le transport et la logistique, le tourisme et les loisirs, ainsi que les énergies renouvelables et les cleantech.
En suscitant et accompagnant la croissance de ces PME, le fonds contribuera aussi à promouvoir l’innovation, la bonne gouvernance et la transparence, à développer les ventes à l’export et à promouvoir les emplois stables et à forte valeur ajoutée.
A travers ce fonds, la CDC tente de renouveler cette expérience, en créant d’autres fonds avec d’autres acteurs étrangers pour aider les PME tunisiennes à conquérir le marché africain et d’autres marchés étrangers.
Pouvez-vous nous donner un aperçu de votre mode d’intervention directe ?
Dans le cadre du soutien de la politique de l’Etat, la CDC intervient directement à hauteur de 20% généralement dans les projets structurants dont notamment les technopôles de Sfax, Sidi Thabet et Sousse.
A ce stade, on essaye d’impliquer des acteurs privés capables de booster l’activité de ces technopôles et d’améliorer leurs performances.
S’agissant des lignes de crédit, où en êtes-vous à propos de la ligne créée avec la Banque Mondiale ?
Le 22 mai 2014, la CDC a été désignée entité d’exécution de la composante «financement patient» du projet conclu entre la Banque Mondiale (BM) et l’Etat tunisien pour le financement des PME. Dans ce cadre, une ligne de financement patient a été créée avec la BM d’une taille de 15 millions de dollars et d’une durée de vie de 10 ans avec 5 années de grâce, ayant pour objectif de financer la restructuration ou le développement des PME tunisiennes.
A travers cette ligne, les fonds seront alloués sous forme d’Obligations Convertibles en Actions (OCA) à long terme, autrement dit, sous forme de dettes Mezzanine, aux PME et à des projets structurés par des Sociétés de Capital Risque (SCR). Pour bénéficier de ces fonds, les PME ne doivent pas être sous administration judiciaire. Elles doivent avoir un total d’endettement auprès des institutions financières réglementaires qui ne dépasse pas 7 millions de dinars, et doivent être classées par la BCT, au cours des douze derniers mois, dans la catégorie des entreprises saines financièrement.
Cette ligne est opérationnelle depuis le mois d’avril 2015. Aujourd’hui, les dossiers en cours d’étude nous permettront d’atteindre un taux d’utilisation de 60% et les premiers décaissements seront effectués à partir de ce mois pour une quinzaine de projets au total.
Comment la CDC intervient-elle au niveau de la réduction de l’effet spéculatif du marché financier ? Pouvez-vous nous donner un exemple d’intervention ?
Dans le cadre du soutien du marché financier, la CDC a créé des FCP dans le but de réduire la volatilité des interventions et l’effet spéculatif, permettant de garantir davantage des opérations de prise de participations dans une logique d’investissement à moyen terme.
Prenons l’exemple du fonds de placement de catégorie mixte baptisé «FCP Valeurs Institutionnel», créé par la CDC et l’intermédiaire en Bourse, Tunisie Valeurs, visant à investir, sur une période s’étalant sur 7 ans, majoritairement sur le marché des actions cotées, et minoritairement en Bons du Trésor assimilables (BTA) et/ou en Bons du Trésor à zéro coupon (BTZ) et/ou en Emprunts obligataires émis par appel public à l’épargne et en titres d’OPCVM, dont l’objectif est de réaliser un rendement supérieur à 7% par an.
Ciblant la stabilisation du marché local, ce fonds vise, également, à investir en priorité dans les titres de sociétés ayant des perspectives de croissance prometteuses à moyen terme, un profil de risque modéré et une valorisation jugée attrayante par rapport au marché.
A noter que Tunisie Valeurs a levé avec succès 32 MDT, dont les souscriptions de la CDC (à hauteur de 25%), la SFBT, le CTKD, la Comar, Maghrebia, AMI Assurances, Amen Bank, la Banque de l’Habitat…
Il faut ajouter à ce fonds, d’autres FCP créés en collaboration avec STB Finance, SMART Asset, MAC S.A, MCP, Attijari Gestion, CGF, AXIS Gestion et Amen Invest. Le total des investissements de ces FCP est aux alentours de 130 MDT, y compris les 32 MDT de Tunisie Valeurs.
Quid des perspectives ?
La CDC vise à booster la mise en place de la ligne de la BM, permettant de dynamiser ce nouveau mode de financement qui est très important pour l’économie tunisienne. En effet, nous sommes toujours attelés à la construction d’une relation de confiance en amont avec nos bailleurs de fonds et en aval avec les sociétés cibles pour permettre les meilleures conditions de succès de cette ligne.
Nous visons, également, à travailler davantage sur les projets structurants. On est en train d’examiner toutes les opportunités parce que ces projets permettent d’avoir un impact positif sur l’économie nationale.
De même, nous travaillons pour appuyer les fonds en cours de création dont notamment ceux qui facilitent l’accès aux marchés extérieurs
Au final, nous développons une vision à long terme qui nous permet d’être dans une logique de développement des stratégies et d’actions pérennes, tout en croyant en un lendemain meilleur pour réussir nos objectifs d’investissement.