En Tunisie, incontestablement, le problème de l’instabilité sociale est très préoccupant. Compte tenu de cette instabilité, les partenaires sociaux semblent d’accord sur la nécessité d’aboutir à un équilibre assurant à la fois la protection des droits des travailleurs ainsi que la pérennité et la compétitivité des entreprises.
Le défi est de savoir comment améliorer et moderniser le mode de gestion des relations de travail et de résolution des conflits sociaux, et comment peut-on établir des mécanismes permanents de dialogue et de conciliation ?
Le problème n’est pas facile. C’un défi aux dimensions multiples et complexes et nul ne s’attend à ce qu’il puisse être traité en une seule étape. L’accord du 14 janvier 2013 consacre l’engagement des partenaires sociaux qui l’ont signé, l’UGTT, l’UTICA et le gouvernement, pour œuvrer dans ce sens mais cet accord reste au niveau des grands principes et ne définit pas une véritable feuille de route.
Le champ de la présente note sera donc forcément limité. L’important étant de savoir comment engager le dialogue et lui assurer un cadre approprié. On se limitera principalement à la question de savoir comment améliorer les relations sociales et engager le processus de la rénovation de la gestion des relations sociales ?
Il s’agit d’abord de s’entendre sur un ensemble de principes et sur une feuille de route précise et opérationnelle. Il serait en particulier souhaitable :
- d’adopter des procédures qui favorisent la confiance dans le cadre d’instances représentatives, de garantir la représentation des travailleurs et leur participation dans l’entreprise ;
- de se rapprocher d’un système qui laisse assez de flexibilité à l’entreprise tout en protégeant les droits des travailleurs en termes de revenus, d’accès à la formation et à des services d’emploi efficaces en période de non-emploi
- que les négociations ne se limitent plus à l’ajustement des salaires mais qu’elles couvrent les autres aspects importants de la relation de travail, dont la formation, le cadre de travail, la sécurité et la santé des employés ainsi que leur participation à la vie de leur entreprise.
- Il serait souhaitable aussi que les accords soient basés sur une approche prospective, anticipative et contractuelle et en somme que la Tunisie se rapproche progressivement du modèle nordique qui a le double avantage de l’équité et de l’efficacité.
Puis on s’interroge sur le dispositif légal et institutionnel à mettre en place (en réformant et complétant le dispositif existant) en vue d’assurer la résolution des conflits sociaux sous leurs diverses formes d’une manière plus efficace et de favoriser le recours au dialogue et à la conciliation et éventuellement à l’arbitrage et d’éviter le passage à la justice et aux grèves comme moyens de résolution des conflits. Le rôle d’un tel dispositif serait de gérer les relations de travail et les conflits et de préparer les réformes institutionnelles nécessaires, sachant que de telles innovations suscitent en général de grands débats.
Il est proposé que l’Instance nationale du dialogue social (INDS), prévue par la déclaration de janvier 2013, soit éventuellement chargée d’assumer d’une manière permanente les missions de cette instance en plus des missions pour lesquelles elle était initialement prévue. Elle pourrait alors intervenir comme prévu pour :
- Engager et organiser les débats sur les grandes réformes et toutes les questions principales qui se posent afin d’assurer la continuité du dialogue social et son extension à toutes les préoccupations communes des partenaires sociaux,
- Assurer les fonctions d’analyse et d’observation du fonctionnement du marché du travail et examiner tous les projets relatifs à l’emploi et au travail.
En plus, elle pourrait être chargée de l’organisation du dialogue et de la conciliation à tous les niveaux, y compris au niveau de l’entreprise. Elle serait alors habilitée à :
- Offrir ses services d’assistance, d’information et de formation pour aider les entreprises (et tous les concernés) à créer des canaux et des traditions de dialogue, de concertation et de prévention des conflits ;
- A proposer des services de conciliation et d’intermédiation fournis par des personnes qualifiées.
- De même, elle offrirait des services sous forme de conseils, d’informations et de formation en matière d’arbitrage. En particulier, en cas de besoin, elle devrait proposer des arbitres aux entreprises qui le demandent.
Cela veut dire que l’INDS devrait avoir une présence sur tout le territoire et remplacer l’inspection du travail en matière de conciliation mais d’une manière plus systématique et plus efficace. Ses services s’adresseraient tant au secteur public qu’au secteur privé.
Cette proposition suppose que concomitamment les travailleurs soient consultés sur la situation et l’avenir de leur entreprise à travers une commission représentative ou des délégués élus.