Cette note est un résumé de l’un de workshops qui seront présentés dans le cadre du Forum du Futur qui sera organisé, les 24 et 25 février à Tunis, par l’Association Tunisienne des Economistes (ASECTU) en collaboration avec l’Economic Research Forum (ERF).
L’inclusion des jeunes, des femmes et des régions ainsi que l’équité sociale et régionale supposent un système productif qui crée suffisamment de richesses et d’emplois (efficacité économique) pour les différents groupes de la société. Le système fiscal et de dépenses publiques permet aussi une correction des inégalités à travers une fiscalité juste et équitable et des transferts sociaux ciblés. Le système de protection sociale permet de protéger les citoyens de certains risques tels que le chômage, la maladie, la vieillesse, la vulnérabilité et la marginalisation (justice sociale).
En Tunisie, c’est l’absence de réformes ou leur superficialité qui a été le grand handicap aux progrès de l’inclusion et de l’équité. Il est paradoxal que les politiques et programmes n’aient subi pratiquement aucune remise en cause sérieuse depuis une longue date, alors que le contexte a évolué depuis fort longtemps. Si bien qu’on a gardé un système de transferts tous azimuts et donc, inefficient et une répartition inéquitable de la charge fiscale. Un certain nombre de choix fondamentaux sont à définir et qui détermineront dans quelle mesure les objectifs d’inclusion et d’équité peuvent être atteints.
Création d’entreprises et d’emplois : Au-delà des politiques, au niveau national, qui visent l’accélération du rythme de création d’entreprises et d’emplois de meilleure qualité, quelles politiques spécifiques doit-on envisager pour inclure dans le circuit économique aussi bien les jeunes que les femmes ?
L’inclusion de ces deux composantes de la société n’est pas uniquement une question d’équité sociale mais aussi une question de mise en valeur d’un capital humain accumulé et une ouverture des opportunités aux jeunes et aux femmes pour la réalisation de leur potentiel.
Quelles réformes fondamentales du système éducatif et de formation pour améliorer les chances d’accéder le plus rapidement possible à un emploi décent ? Quelle priorité à ces réformes ? Est-ce que la création d’entreprises et d’emplois dans les régions de l’intérieur nécessite un rôle direct de l’Etat dans l’investissement ? Est-ce qu’une telle approche peut réussir ou bien risque-t-elle de connaître l’échec et créer de nouvelles désillusions ? Ou bien doit-on compter sur le dynamisme du secteur privé en mettant en place les conditions nécessaires pour sa réussite en termes d’infrastructures, de formation, de développement urbain et d’incitations ? Comment définir la responsabilité sociale du secteur privé ?
Fiscalité : Comparativement à des pays similaires et concurrents, le taux de pression fiscale de près de 20-22% est jugé relativement élevé, mais la répartition de l’impôt est inacceptable et inégalitaire. L’impôt direct sur le revenu provient à raison de 81% des impôts sur les salaires. De même, l’impôt sur les sociétés est supporté à hauteur de 80% par seulement 5% des entreprises tunisiennes. Le régime forfaitaire ne représente qu’environ 0,2% du total des recettes fiscales. Certains estiment la fraude fiscale à environ 30% des recettes fiscales avant la révolution et il est fort probable qu’elle se situe actuellement à un niveau supérieur. Comment réformer la fiscalité pour assurer plus de justice dans la répartition de la charge fiscale ? Faut-il cibler une augmentation de la pression fiscale en même temps qu’une répartition plus équitable de cette charge ?
Transferts sociaux : Grâce à ces transferts, la Tunisie a réalisé des progrès importants en matière d’accès de la population aux services publics (éducation, santé, logement, et services d’infrastructure de base comme l’eau, l’électricité, les télécommunications, ou le transport) bien que des inégalités persistent au niveau de l’accès à l’éducation supérieure et aux services d’hospitalisation. L’effet redistributif des transferts et leur efficacité dans le ciblage des pauvres varient selon les catégories de dépenses.
Faut-il abandonner les subventions par les prix qui sont coûteuses et peu efficaces en termes de réduction de la pauvreté et en équité ? Peut-on envisager l’utilisation totale ou partielle des économies réalisées par la réforme des subventions pour :
- Assurer un plus grand niveau de redistribution par les aides directes ? Faut-il élargir et mieux cibler les programmes de soutien aux familles nécessiteuses ?
- Assurer plus d’égalité d’opportunités surtout pour les régions, zones et groupes défavorisés par un renforcement du système éducatif et de santé, surtout en termes de qualité ? Faut-il fixer un objectif d’éradication de la pauvreté absolue dans un délai déterminé ? Quels choix en vue d’une amélioration des égalités d’opportunités dans l’accès aux services publics, surtout dans l’éducation et la santé, surtout en termes de qualité ?
Protection sociale: Les déséquilibres croissants des régimes de sécurité sociale constituent un risque pour la préservation de la sécurité sociale en Tunisie. Le taux de couverture sociale des salariés assujettis aux régimes gérés par la CNSS est faible : un salarié sur trois et environ 15% de la population active occupée ne bénéficient d’aucune couverture. Le taux effectif de la couverture est considérablement moins élevé pour les catégories à faible revenu. Les programmes d’aide aux familles nécessiteuses (PNAFN) et d’aide médicale gratuite (AMG1) souffrent d’un problème de ciblage, de problèmes d’accessibilité aux soins et d’absence d’approche participative qui permettrait de mieux lutter contre la pauvreté en favorisant la transparence.
Peut-on concilier les objectifs de couverture généralisée de la sécurité sociale et celui de lutte contre le secteur informel ? Quelle priorité ? Peut-on envisager des politiques audacieuses en termes de financement des régimes de retraite et de santé pour assurer leur pérennité ? Peut-on envisager un pilier de retraite par capitalisation ? Comment assurer la protection sociale des couches les plus vulnérables, surtout en matière de santé ?